10 janvier 2023 | Internationales
Le Monde rapporte que le Parlement européen et les Etats membres de l’UE ont trouvé un accord sur un règlement qui mettra fin aux importations de certains produits liés à la déforestation. Sont concernés des biens de grande consommation courante tels que l’huile de palme, le bois, la viande de bœuf ou encore le chocolat. Le critère choisi par les instances européennes est le suivant : si un produit listé est issu de terres déboisées après le mois de décembre 2020, son importation sera interdite. Cette nouvelle loi implique pour les entreprises d’apporter la preuve de la provenance, notamment grâce à un traçage.
Ce texte, reçu très positivement par les milieux écologiques, est encore susceptible d’évoluer vers une plus grande protection de l’environnement : en plus des forêts, d’autres écosystèmes boisés qui souffrent également de la consommation européenne pourraient être protégés, relate Le Monde. Le journal français mentionne également l’évaluation prévue dans un délai de deux ans concernant l’extension du champ d’application de la loi, tant aux produits concernés par les interdictions qu’aux écosystèmes protégés.
L’ONG ClientEarth met toutefois en avant l’absence d’avancée sur les droits des indigènes. Ces populations, qui sont considérées comme les meilleures protectrices des forêts, devront continuer à se fonder sur les législations nationales pour assurer la protection de leurs terres.
En Suisse, le conseiller national vert et membre fondateur d’Avocat.e.s pour le Climat Raphaël Mahaim a déposé une motion pour que le Conseil fédéral propose un acte législatif destiné à lutter contre la déforestation. Il propose explicitement de se baser sur la législation européenne, qui pourrait servir d’exemple.
L’article du Monde est disponible ici, et celui de ClientEarth ici. Vous retrouverez également la motion de Raphaël Mahaim ici.
26 décembre 2022 | Internationales
Le 11 octobre 2022, la CourEDH a conclu à une violation de l’art. 8 CEDH par la Russie. La question était de savoir si les autorités avaient pris des mesures de protection suffisantes pour minimiser ou éliminer les effets de la pollution atmosphérique dans la ville industrielle de Lipetsk.
Des habitant·e·s de Lipetsk avaient engagé une procédure judiciaire contre quatorze agences gouvernementales fédérales et régionales pour manquement à la protection de leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Ils et elles affirmaient en particulier que la concentration de substances nocives dans l’air et l’eau potable à Lipetsk avait constamment dépassé les niveaux maximaux autorisés et que les autorités avaient omis, en violation de l’art. 8 CEDH, de prendre des mesures significatives, notamment par la création de zones de protection sanitaire autour des entreprises industrielles de la ville. Les requérant·e·s demandaient la mise en œuvre de mesures pertinentes en vue de la protection de leurs droits et une indemnité de EUR 10’500. Les différentes instances russes les ont déboutés de leur demande.
La CourEDH a fait droit à la requête des habitant·e·s de Lipetsk. En premier lieu, elle observe, à la lecture des rapports officiels, que la pollution atmosphérique industrielle est le principal facteur contribuant à la détérioration générale de l’environnement à Lipetsk, qui est ancienne et bien connue. Les autorités nationales étaient conscientes de la persistance des problèmes environnementaux et ont eu recours à certaines sanctions afin de les améliorer. La Cour retient ainsi que les autorités étaient en mesure d’évaluer les risques de pollution et de prendre des mesures adéquates pour les prévenir ou les réduire. Selon elle, le lien entre les émissions polluantes et l’État est suffisant pour soulever la question d’une obligation positive de l’État au titre de l’art. 8 CEDH.
En second lieu, la CourEDH examine la question de la violation par l’État de ses obligations positives. Au terme de son raisonnement, elle parvient à la conclusion que malgré certaines améliorations, la pollution atmosphérique industrielle à Lipetsk n’a pas été jugulée de manière à empêcher que les habitants de la ville ne soient exposés aux risques sanitaires qui y sont liés. L’État n’a donc pas ménagé un juste équilibre dans l’exécution de ses obligations positives visant à garantir le droit des requérants au respect de leur vie privée.
Dans une opinion concordante, le juge Serghides développe la relation d’interdépendance entre les droits consacrés par la Convention et le droit à un environnement sain. Selon lui, le droit à un environnement sain représente une condition préalable à la jouissance du droit à la vie privée et familiale de l’art. 8 CEDH. Il s’appuie sur le principe d’effectivité pour développer son raisonnement.
L’application du jugement semble toutefois menacée, la Russie ne faisant plus partie du Conseil de l’Europe depuis le 15 mars 2022.
L’arrêt de la CourEDH est disponible ici.
1 décembre 2022 | Internationales
Reuters et l’ONG hollandaise SOMO ont annoncé le 30 novembre 2022 le refus des tribunaux hollandais d’indemniser les dommages subis par deux géants de l’énergie qui ne pourront plus exploiter leurs centrales à charbon aux Pays-Bas.
Sur les quatre centrales restantes, RWE en possède deux, et Uniper une. Ainsi, la décision du gouvernement hollandais, prise en 2018, de cesser toute production d’électricité liée à de telles centrales d’ici 2030 est source d’immenses dommages économiques pour ces deux entreprises, qui estimaient devoir recevoir une indemnité de EUR 1.4 milliard et EUR 1 milliard respectivement.
RWE et Uniper justifiaient leur demande d’indemnisation par plusieurs arguments, rapporte SOMO. L’interdiction d’exploiter des centrales à charbon dès 2030 ne serait pas une mesure climatique efficace, du fait que les Pays-Bas seraient forcés d’importer de l’énergie de centrales étrangères. De plus, la loi ferait porter un fardeau excessivement lourd aux entreprises énergétiques.
Tel n’a toutefois pas été l’avis des tribunaux de la Haye qui ont jugé la décision du gouvernement proportionnée, notamment au vu des objectifs visés par l’Accord de Paris. Le caractère très polluant des centrales à charbon étant notoire, RWE et Uniper auraient dû s’attendre à ce que de telles mesures soient prises, et disposent du temps nécessaire pour trouver une manière plus durable d’utiliser leurs centrales, relate Reuters.
L’affaire n’est toutefois pas complètement terminée puisqu’une procédure d’arbitrage internationale consistant à déterminer si l’interdiction d’exploitation des centrales viole l’Energy Charter Treaty, un accord international qui vise à protéger les investisseurs du secteur de l’énergie, est actuellement pendante.
Cette décision du tribunal de la Haye constitue un message clair pour les entreprises hollandaises, qui doivent dès à présent anticiper les futures mesures de politique climatique dans leur stratégie de développement. Elles ne sauraient ensuite se plaindre des actions gouvernementales et exiger une indemnisation du fait de l’impossibilité de poursuivre leur activité polluante.
L’article de Reuters est disponible ici, et celui de SOMO ici.
Rappelons également que RWE fait actuellement l’objet d’un procès en Allemagne. Un fermier péruvien vivant aux abords d’un glacier a demandé une indemnisation par l’entreprise des dommages découlant du changement climatique qu’il subit. Notre résumé de cette affaire est disponible ici.
22 novembre 2022 | Internationales
L’ONG ClientEarth a annoncé qu’elle actionnait en justice neuf entreprises françaises actives dans l’agroalimentaire, aux côtés de Surfrider Foundation Europe et de Zero Waste France. Elle rappelle que l’utilisation de grandes quantités de plastique fait partie intégrante des activités de ces entreprises, qui intègrent cette matière faite de pétrole et de gaz dans tous leurs procédés : produits finis emballés, plastique utilisé pour filtrer les liquides, pour emballer les palettes transportées, etc.
ClientEarth rappelle également la grande proportion de ce plastique qui est gaspillée, proportion qui ne cesse d’augmenter selon l’OCDE. L’argument du recyclage ne convainc pas : en effet, seuls 9% des emballages plastiques seraient effectivement recyclés. Or, il est notoire que le plastique cause de grands dommages tant à la santé humaine qu’à l’environnement, notamment marin.
Le but des ONG est le suivant : de par leur taille et leur influence sur le marché, les entreprises actionnées (dont font notamment partie McDonald’s, Nestlé et Carrefour) doivent adopter un rôle de modèle et adapter leur philosophie de production aux enjeux environnementaux actuels. Elles exigent concrètement que ces géants de l’agroalimentaire évaluent de manière complète leur consommation de plastique sur toute la chaîne de production et se conforment à une politique de déplastification claire.
Les organisations utilisent pour ce faire un outil désormais bien connu dans le paysage des actions en faveur du climat en France : la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. C’est cette même loi qui avait été utilisée pour actionner en justice BNP Paribas (action résumée ici) et TotalEnergies (action résumée ici). Ce texte législatif exige des grandes entreprises qu’elles publient un plan annuel de vigilance tenant compte des risques sociaux et environnementaux créés par leurs activités et incluant des mesures de modération de ces risques. Selon ClientEarth, la consommation de plastique devrait être bien plus présente dans les rapports de vigilance des entreprises actionnées, et la réduction de celle-ci être mise en place dans les plus brefs délais pour respecter la loi.
L’annonce de ClientEarth est disponible ici.
15 novembre 2022 | Internationales
The Global Legal Post rapporte que 150 avocats anglais et internationaux ont adressé une lettre aux praticiens du droit les encourageant à avertir leurs clients des risques qu’ils supportent en agissant de manière à compromettre les objectifs de l’ONU en matière climatique. Dans le même sens, des étudiants américains avaient établi en 2021 un classement des études d’avocats selon l’impact de leurs conseils légaux sur le changement climatique. Dans ce classement, nombre des grands cabinets recevaient la pire note.
Tant les avocats signataires que ces étudiants dénoncent en substance le fait que certains accords pour lesquels les avocats apportent des conseils sont incompatibles avec la poursuite d’objectifs climatiques sérieux, tels que ceux de l’Accord de Paris. En plus des risques liés au changement climatique, les signataires mettent en évidence le fait qu’à leur sens, tant les avocats que leurs clients risquent d’être légalement poursuivis pour leurs actions, relate The Global Legal Post.
Au vu du nombre de procédures tendant à invoquer la responsabilité d’entreprises polluantes que nous évoquons sur ce site, il apparaît que les risques en question sont aujourd’hui déjà concrets, et pourraient s’amplifier dans le futur.
L’article de The Global Legal Post est disponible ici.
1 novembre 2022 | Internationales
Trois importantes ONG françaises, qui avaient actionné avec succès l’Etat français pour son inaction climatique, ont déposé une action en justice contre BNP Paribas, rapporte le média Usbek & Rica. Elles reprochent à la banque française de soutenir massivement l’industrie de l’énergie fossile, par des prêts et autres investissements financiers dans des entreprises telles que TotalEnergies ou Shell. Conséquence de cette gestion financière : une empreinte carbone supérieure à celle du territoire français selon Oxfam.
Fait intéressant : dans le cadre de cette action, les ONG se basent sur une loi forçant les entreprises françaises à prévoir des mesures de vigilance à l’égard notamment des atteintes aux droits humains et à l’environnement. C’est sur ce même texte légal que se sont appuyées les associations et collectivités (dont les villes de Paris et New York) pour actionner TotalEnergies en justice, action que nous avions également évoquée. Tout comme TotalEnergies, BNP Paribas ne se conformerait pas à ses devoirs de vigilance, qui impliqueraient, selon les autrices de la demande, la cessation des soutiens financiers dans les énergies fossiles. La banque relève quant à elle les efforts déjà investis et la publication de ses objectifs de réduction d’émission de CO2, relate Usbek & Rica.
Les requérantes ont concrètement deux espoirs : premièrement, celui que BNP Paribas réagisse au courrier qui lui a été adressé, et qui impartit un délai de trois mois pour se mettre en conformité avec ses obligations légales. Si tel n’est toutefois pas le cas, elles espèrent obtenir gain de cause devant la justice française afin de contraindre les banques à revoir leurs politiques d’investissement.
L’article d’Usbek & Rica est disponible ici. Les ONG susmentionnées ont également créé un site spécialement dédié à « l’Affaire BNP Paribas » accessible au moyen de ce lien.