Le 11 octobre 2022, la CourEDH a conclu à une violation de l’art. 8 CEDH par la Russie. La question était de savoir si les autorités avaient pris des mesures de protection suffisantes pour minimiser ou éliminer les effets de la pollution atmosphérique dans la ville industrielle de Lipetsk.

Des habitant·e·s de Lipetsk avaient engagé une procédure judiciaire contre quatorze agences gouvernementales fédérales et régionales pour manquement à la protection de leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Ils et elles affirmaient en particulier que la concentration de substances nocives dans l’air et l’eau potable à Lipetsk avait constamment dépassé les niveaux maximaux autorisés et que les autorités avaient omis, en violation de l’art. 8 CEDH, de prendre des mesures significatives, notamment par la création de zones de protection sanitaire autour des entreprises industrielles de la ville. Les requérant·e·s demandaient la mise en œuvre de mesures pertinentes en vue de la protection de leurs droits et une indemnité de EUR 10’500. Les différentes instances russes les ont déboutés de leur demande.

La CourEDH a fait droit à la requête des habitant·e·s de Lipetsk. En premier lieu, elle observe, à la lecture des rapports officiels, que la pollution atmosphérique industrielle est le principal facteur contribuant à la détérioration générale de l’environnement à Lipetsk, qui est ancienne et bien connue. Les autorités nationales étaient conscientes de la persistance des problèmes environnementaux et ont eu recours à certaines sanctions afin de les améliorer. La Cour retient ainsi que les autorités étaient en mesure d’évaluer les risques de pollution et de prendre des mesures adéquates pour les prévenir ou les réduire. Selon elle, le lien entre les émissions polluantes et l’État est suffisant pour soulever la question d’une obligation positive de l’État au titre de l’art. 8 CEDH.

En second lieu, la CourEDH examine la question de la violation par l’État de ses obligations positives. Au terme de son raisonnement, elle parvient à la conclusion que malgré certaines améliorations, la pollution atmosphérique industrielle à Lipetsk n’a pas été jugulée de manière à empêcher que les habitants de la ville ne soient exposés aux risques sanitaires qui y sont liés. L’État n’a donc pas ménagé un juste équilibre dans l’exécution de ses obligations positives visant à garantir le droit des requérants au respect de leur vie privée.

Dans une opinion concordante, le juge Serghides développe la relation d’interdépendance entre les droits consacrés par la Convention et le droit à un environnement sain. Selon lui, le droit à un environnement sain représente une condition préalable à la jouissance du droit à la vie privée et familiale de l’art. 8 CEDH. Il s’appuie sur le principe d’effectivité pour développer son raisonnement.

L’application du jugement semble toutefois menacée, la Russie ne faisant plus partie du Conseil de l’Europe depuis le 15 mars 2022.

L’arrêt de la CourEDH est disponible ici.