Impact des procès climatiques sur le cours d’action des entreprises polluantes

Dans une récente étude, des chercheur.euses de la London School of Economics (LSE) ont analysé 108 procès climatiques qui se sont déroulés entre 2005 et 2021 dans le monde entier, à l’encontre de 98 entreprises polluantes cotées aux Etats-Unis et en Europe. Selon les résultats de cette étude, l’introduction d’une action ou le prononcé d’un jugement par un tribunal à l’encontre d’une telle entreprise a pour effet de réduire sa valeur de 0,41% en moyenne.

L’effet sur le cours en bourse des grandes sociétés polluantes concernées est le plus important dans les jours suivants l’introduction d’une action (chute moyenne de 0,57%) et le prononcé d’un jugement défavorable (chute moyenne de 1,5%). Par ailleurs, l’effet est également plus marqué en réaction à des affaires impliquant un nouvel argumentaire juridique ou introduites dans une nouvelle juridiction.

Le journal The Guardian cite à cet égard l’action introduite en 2015 par un paysan péruvien contre l’entreprise allemande RWE, qui a engendré une chute du cours d’action de 6% après son dépôt. Nous avions précédemment évoqué cette action dans un article d’août 2022 (Constater la responsabilité des entreprises les plus polluantes – Le combat d’un paysan de montagne péruvien devant la justice allemande | Avocat.es pour le Climat (avocatclimat.ch)). L’action de l’ONG néerlandaise Milieudefensie contre Shell est également citée comme exemple : la valeur relative de l’entreprise a chuté de 3,8% lorsqu’un tribunal de La Haye lui a ordonné de réduire ses émissions de 45% au niveau mondial d’ici à fin 2030.

Selon l’autrice principale de l’étude susmentionnée, citée par The Guardian,bien qu’il soit encore trop tôt pour affirmer que ces litiges pousseront les entreprises concernées à des changements substantiels en matière d’action climatique, l’étude démontre qu’ils ont un effet sur le prix des actions de ces sociétés et pourraient, à l’avenir, contribuer à influencer leur comportement.

De manière générale, les litiges climatiques deviennent un sujet récurrent dans la présentation des comptes annuels des entreprises, qui sont soumises à des règles de plus en plus strictes en matière de transparence. Ainsi, selon le rapport annuel de BP, les modifications légales et réglementaires ainsi que l’évolution des mentalités pourraient avoir des « conséquences négatives » sur ses activités en augmentant le risque de perdre des procès et en l’exposant à une responsabilité accrue en matière environnementale et légale. Selon BP, les poursuites judiciaires « pourraient réduire [ses] liquidités et [ses] notations de crédit ».

L‘étude de la LSE peut être consultée ici : Impacts of climate litigation on firm value – Grantham Research Institute on climate change and the environment (lse.ac.uk).

L’article du Guardian peut quant à lui être consulté ici : Big polluters’ share prices fall after climate lawsuits, study finds | Fossil fuels | The Guardian

Fanny Dias

L’article du Guardian peut quant à lui être consulté ici : Big polluters’ share prices fall after climate lawsuits, study finds | Fossil fuels | The Guardian.

L‘étude de la LSE peut être consultée ici : Impacts of climate litigation on firm value – Grantham Research Institute on climate change and the environment (lse.ac.uk). L’article du Guardian peut quant à lui être consulté ici : Big polluters’ share prices fall after climate lawsuits, study finds | Fossil fuels | The Guardian.

La compagnie pétrolière Exxon Mobil manque à ses obligations d’assurance sur un projet pétrolier offshore au Guyana.

Exxon Mobil est à la tête d’un consortium d’entreprises au Guyana dont plusieurs projets pétroliers et gaziers offshore ont été approuvés par l’agence guyanaise de protection de l’environnement. Parmi eux « Liza One », le premier projet pétrolier d’envergure du Guyana, pour lequel deux couvertures d’assurance étaient nécessaires : la première à hauteur de USD 600 millions et la seconde pour tous les dommages excédant ce montant. Ces assurances sont notamment destinées à couvrir les coûts en cas de marée noire.

Reuters rapporte toutefois qu’un tribunal guyanais a constaté qu’Exxon avait failli dans la fourniture de ces couvertures d’assurance et condamné l’entreprise à s’en acquitter d’ici au 10 juin 2023, sous peine de voir le projet suspendu. Ce comportement a été qualifié par le tribunal de tentative malhonnête d’Exxon de se soustraire à ses obligations. Le jugement souligne également que des manquements de l’agence de protection de l’environnement ont rendu cette violation possible.  

Le gouvernement guyanais a annoncé son intention de faire appel.

L’article de Reuters évoquant cette décision de justice est disponible ici et le texte du jugement accessible ici.

Nous avions déjà publié un article sur Exxon Mobil, lorsque cette compagnie s’en était prise à la nouvelle taxe européenne sur les « super profits » des géants de l’énergie. Cet article est disponible ici.

L’Assemblée générale de l’ONU demande à la Cour internationale de justice de clarifier les obligations des États dans la lutte contre le changement climatique

L’Assemblée générale de l’ONU a adopté, mercredi 26 mars 2023, une résolution déposée par le Vanuatu tendant à la clarification, par la Cour internationale de justice (CIJ), des obligations des États en matière de lutte contre le changement climatique.

Confronté à des catastrophes climatiques de plus en plus extrêmes et récurrentes, cet État insulaire est contraint de mettre en place des mesures afin de faire face au préjudice subi. Ces mesures, qui incluent l’accès à une micro-assurance abordable et aux soins indispensables, la protection des personnes déplacées et la relocalisation de communautés menacées, sont estimées à USD 178 millions, qui devront être financés par des donateurs internationaux.

La CIJ devra premièrement déterminer les obligations des États pour assurer la protection du système climatique en se fondant sur les principes du droit international. D’autre part, elle devra se prononcer sur les conséquences juridiques découlant de ces obligations pour les États qui, par leurs actions et omissions, ont causé des dommages importants à l’environnement et au système climatique, plus particulièrement au détriment des États les plus vulnérables au changement climatique.

Même si elle a été adoptée par consensus lors d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU, la résolution n’a cependant pas reçu le soutien exprès des États-Unis et de la Chine. Les deux plus gros émetteurs mondiaux s’opposent à l’idée d’une réparation découlant de leur responsabilité dans le changement climatique.

Les avis de la CIJ n’ont pas de valeur contraignante, mais ont toutefois un poids important et sont souvent pris en compte par les tribunaux nationaux. En l’espèce, l’avis de la CIJ pourrait servir de base à des actions en justice relatives au climat dans le monde entier et viendrait renforcer la position des pays vulnérables dans les négociations internationales.

Il faudra encore patienter environ deux ans avant que la CIJ ne statue.

L’article de The Guardian est disponible ici, et celui de Climate Home News ici. Vous trouverez également l’article consacré à la résolution de l’ONU ici.

Fanny Dias

L’ONU s’accorde sur un nouveau traité pour la protection des océans

Plusieurs médias rapportent que, dans la soirée du 4 mars 2022, après deux semaines d’intenses discussions, les États membres des Nations Unies sont parvenus à un accord sur le contenu d’un nouveau traité international pour la protection des océans. Cet accord historique vient combler un vide juridique en réglementant le statut de la haute mer, soit des eaux internationales qui commencent où s’arrêtent les zones économiques exclusives des États.

Ce texte, salué notamment par Greenpeace et l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), vise à établir des aires marines protégées dans ces zones. A ce jour, bien que la haute mer représente près de deux tiers de la superficie des océans, seul 1% de sa surface fait l’objet de mesures de conservation. Les espèces marines qui y vivent sont donc constamment menacées par l’activité humaine. Selon les derniers rapports d’IUCN, 10% de la faune et flore marines seraient déjà en voie d’extinction.

La mise en application de ce traité – qui doit encore être formellement adopté et ratifié – est jugée cruciale pour espérer protéger 30% des océans d’ici à 2030, comme les gouvernements s’y sont engagés lors de la dernière conférence de l’ONU sur la biodiversité.

Premier accord international relatif à la protection des océans adopté depuis la signature en 1982 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, celui qu’on appelle déjà « le Traité sur la haute mer », est le résultat de plus de 10 ans de négociation et de combat des ONG pour la protection de l’environnement.

Des article de la BBC et du Temps sont disponibles ici et ici. Un article d’ONU Info est également disponible ici.

Olivianne Wohlhauser

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) déclare illégale la dérogation aux valeurs limite de pollution octroyée par le gouvernement bulgare à la plus grande centrale à charbon des Balkans.

Dans un arrêt du 9 mars 2023, la CJUE a tranché un litige opposant d’une part le gouvernement bulgare, et d’autre part les associations environnementales Greenpeace Bulgaria ou Za Zemiata, soutenues par ClientEarth. Ces dernières reprochaient au gouvernement l’octroi à la centrale de charbon Maritsa East 2 d’une permission d’émettre près du double de la quantité de dioxyde de soufre (SO2) tolérée par la législation européenne, au détriment de la santé des habitants de la région.

Selon la CJUE, des dérogations relatives aux valeurs limite de pollution ne sauraient être accordées dans des zones déjà fortement polluées. Or, en l’espèce, la centrale se situe dans la région d’Europe présentant la plus forte concentration de SO2.

Dans un article consacré à cet arrêt, ClientEarth relate également les propos de la directrice de Greenpeace Bulgaria, qui rappelle que les centrales à charbon bulgares seront amenées à disparaître, malgré l’engouement du gouvernement pour celles-ci en période de crise énergétique. Une juriste spécialiste de l’environnement de ClientEarth souligne quant à elle l’importance de cette décision pour la population des régions polluées.

L’arrêt de la CJUE peut être consulté ici. L’article de ClientEarth est quant à lui accessible ici.

Les résolutions du Parlement européen comme outil international du droit de l’environnement

Le blog « Pensando el derecho europeo »  de l’Université Carlos III de Madrid a publié un article sur le rôle des résolutions du Parlement européen dans le cadre de la lutte contre le changement climatique au niveau international. Lorena Tato Pérez, son autrice, part du constat que les résolutions du Parlement européen traitent de plus en plus fréquemment des sujets liés à l’environnement, tels que protection des océans ou la condamnation des projets polluants de TotalEnergies.

Les résolutions du Parlement ont ceci de particulier qu’elles ne sont pas juridiquement contraignantes. Elles sont par conséquent uniquement utilisées comme un moyen d’indiquer aux États membres et aux autres organes de l’Union européenne les positions du Parlement. Alors que les accords internationaux ne peuvent être initiés et négociés que par le Conseil et la Commission européenne, les résolutions ont l’avantage de pouvoir être adoptées par le Parlement seul, sans le concours d’un autre organe.

Bien qu’elles ne soient pas juridiquement contraignantes, les résolutions permettent d’influencer la politique européenne par les messages implicites qu’elles contiennent. Ainsi, l’autrice relève notamment le fait que l’accumulation de résolutions en matière d’environnement témoigne de la faiblesse actuelle du droit international en la matière. Elle souligne également les positions affirmées et novatrices que tient le Parlement dans ses résolutions.

Le soutien d’autres institutions européennes faisant actuellement défaut, l’autrice constate le manque d’efficacité concrète des actes du Parlement pour promouvoir une action climatique internationale. Elle appelle dès lors à une reconsidération du rôle du Parlement européen dans la conclusion d’accords internationaux et dans les relations extérieures de l’Union européenne.

L’article du blog « Pensando el derecho europeo » de l’Université Carlos III de Madrid écrit par Lorena Tato Pérez est disponible ici.