Suite à une plainte déposée par Avocat-e-s pour le Climat pour le compte de l’Alliance Climatique en novembre 2022, l’organisme suisse de contrôle de la publicité a estimé que les allégations de neutralité carbone entourant la coupe du monde au Qatar étaient trompeuses.

Lien vers la décision ici

En novembre 2022, des plaintes venant de Suisse, du Royaume-Uni, de France, de Belgique et des Pays-Bas, avaient été déposées contre la FIFA pour concurrence déloyale. Les associations plaignantes s’étonnaient que la FIFA puisse vanter « une Coupe du Monde neutre en carbone ». Les six associations, dont l’Alliance Climatique (Suisse) ou encore Notre Affaire à tous (France) s’appuient en particulier sur un rapport de l’ONG Carbon Market Watch (Belgique, plaignante elle aussi) selon lequel les allégations de neutralité carbone formulées par les organisateurs du tournoi sont largement sous-estimées.

Ainsi, dans le calcul de ses émissions de CO2, la FIFA n’a pas tenu compte de l’impact des shuttle flights ; ces 500 vols quotidiens permettaient aux supporters de relier leur hôtel à Dubai, Riyadh ou encore au Koweït avec le Qatar. La FIFA n’avait aussi que très peu tenu compte des émissions de CO2 générées par la construction des sept stades de foot construits pour l’événement. 

La FIFA a présenté sa défense dans un mémoire d’une cinquantaine de pages. L’autorité a écarté toutes les objections de l’organisation sportive dans une décision très satisfaisante, notifiées aux parties le 6 juin 2023. Nous vous en livrons ci-dessous quelques extraits :

Selon l’autorité, « [l]e message-clé selon lequel la Coupe du monde de football 2022 au Qatar est « neutre en carbone » […] ne peut être formulé qu’à condition que son caractère correct selon des méthodes de mesure d’émissions de Co2 définitives et généralement acceptées ainsi que leur compensation intégrale soient prouvées. De l’avis de la Chambre, ce n’est pas le cas en l’état actuel de nos connaissances ».

L’autorité poursuit en expliquant : « par l’expression ‘neutralité climatique’ ou ‘neutralité carbone’, le destinataire moyen entend une Coupe du monde de football qui doit se dérouler avec le même résultat, s’agissant des émissions de carbone, que si ce tournoi n’avait pas eu lieu du tout. Pour atteindre ce résultat, les destinataires moyens s’attendent à ce que les émissions de CO2 générées par le tournoi, déterminées selon des méthodes de mesure définitives et généralement acceptées, soient entièrement compensées. D’où la nécessité d’apporter une preuve complète des méthodes de calcul appliquées et généralement acceptées portant sur toutes les émissions de carbone produites causalement par l’existence du tournoi, ainsi que la nécessité d’apporter la preuve de la compensation intégrale desdites émissions de carbone ».

Dans un paragraphe remarquable dédié à la compensation des émissions carbone, l’autorité souligne :

« Même si l’estimation venait un jour à correspondre aux chiffres définitifs, de l’avis de la Chambre, la question de savoir si la compensation promise est véritablement réaliste demeure toutefois peu claire. Même si la partie défenderesse décrit ses intentions de compensation, et même si elle affirme qu’elle aurait déjà compensé ‘ex-ante’ les 3,ó3 millions de tonnes de CO2 estimés, et même si elle laisse entrevoir de manière répétée qu’elle compensera intégralement les émissions à calculer définitivement à une date ultérieure, elle n’est pas en mesure d’apporter la preuve de la compensation des émissions estimées ‘ex-ante’ et ne présente pas non plus de concept selon lequel elle pourra procéder sans autre à une éventuelle compensation supplémentaire d’une ampleur indéterminée. En outre, ta question demeure peu claire de savoir si les mesures compensatoires sont conformes aux standards suisses ».

La Commission suisse pour la loyauté souligne également que « La [FIFA] a parfois travaillé en recourant à des messages formulés en termes absolus et a ainsi suscité l’impression erronée et fallacieuse selon laquelle la Coupe du monde de football 2022 au Qatar aurait déjà atteint la neutralité climatique ou la neutralité carbone avant et pendant le tournoi »

Sur cette base, l’autorité a estimé que la FIFA n’a pas apporté la preuve « de manière crédible de quelle manière toutes les émissions de CO2 générées par te tournoi pouvaient être compensées conformément aux standards suisses ».

Aussi, la FIFA est invitée à « renoncer à l’avenir aux allégations contestées, en particulier que la Coupe du monde de football organisée en 2022 au Qatar serait neutre pour le climat et en CO2 ».

La décision de la Commission suisse pour la loyauté est accessible ici