ExxonMobil s’en prend à la taxe européenne sur les « superprofits » des géants de l’énergie

ExxonMobil a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) pour obliger l’Union européenne à supprimer une nouvelle taxe exceptionnelle sur les profits des entreprises énergétiques.

La guerre en Ukraine a notamment d’importantes conséquences sur le plan énergétique : le prix de l’énergie a flambé et a permis aux géants du secteur d’engranger d’immenses bénéfices (x2,5 par rapport à 2021 pour ExxonMobil). L’Union européenne a ainsi décidé en septembre 2022 de permettre aux États membres de prélever une taxe allant jusqu’à 33% sur les bénéfices imposables des groupes énergétiques supérieurs de plus de 20% à la moyenne des années 2019-2021, afin de les redistribuer aux consommateurs victimes de l’inflation.

S’opposant à l’introduction de cette taxe qui devrait lui coûter environ 2 milliards de dollars, ExxonMobil, géant pétrolier américain, a saisi la CJUE. Selon le groupe, la Commission européenne aurait outrepassé ses pouvoirs en adoptant le texte par le biais d’un mécanisme d’urgence qui ne prévoit pas la consultation du Parlement européen. La plainte n’a toutefois aucun effet suspensif sur l’entrée en vigueur de la législation, qui a eu lieu le 31 décembre 2022.

Selon le porte-parole d’ExxonMobil, cité par Politico, cette taxe dissuaderait les investissement et augmenterait la dépendance à l’égard des importations d’énergie et de produits pétroliers.

Cette plainte a notamment été couverte par le New York Times (ici), Politico (ici) et Le Temps (ici).

Poursuite introduite par une ONG contre les 11 administrateurs de Shell

L’ONG ClientEarth a annoncé le 9 février 2023 l’introduction d’une action contre les administrateurs de la compagnie pétrolière Shell. Le plan de transition de la multinationale, qui prévoit de nouveaux projets liés aux énergies fossiles, mettrait en péril tant les efforts pour protéger la planète que la viabilité à long terme de l’entreprise. A ce titre, il violerait la loi britannique sur les sociétés.

Selon ClientEarth, il s’agit de la première affaire au monde visant à tenir les administrateurs responsables de leur incapacité à préparer leur entreprise à une transition vers le « net zéro ». L’ONG peut notamment compter sur le soutien d’un groupe de grands fonds de pension et d’autres investisseurs institutionnels.

Le Guardian a évoqué le lancement de cette procédure et rappelé les autres déboires judiciaires de la compagnie pétrolière, notamment condamnée par les tribunaux hollandais à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030. Le journal britannique cite également les dirigeants des fonds de pension soutenant l’action de ClientEarth, qui expriment leur volonté de voir Shell adopter une stratégie tenant pleinement compte de l’évolution du climat et de ses répercussions.

Face à ces accusations, Shell soutient que ses administrateurs ont pleinement respecté leurs obligations et maintient que son plan est aligné avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5°C, rapporte le Guardian.

Le communiqué de ClientEarth est disponible ici, et l’article du Guardian ici.

Réforme du Traité sur la charte de l’énergie

En novembre 2022, la réforme du Traité sur la charte de l’énergie (TCE) a échoué après le blocage de plusieurs États européens pour des motifs environnementaux. Lors d’un vote au sein du Conseil de l’Union européenne, plusieurs États-Membres se sont abstenus, refusant ainsi à l’exécutif européen le mandat d’entériner la modernisation de ce texte très controversé.

Signé en 1994, le TCE avait pour but premier de faciliter la coopération énergétique entre l’Est et l’Ouest après la chute de l’Union soviétique en protégeant les investissements étrangers dans l’énergie, et notamment dans les énergies fossiles. Ce traité international est toutefois régulièrement accusé de freiner la transition énergétique.  Les multinationales et investisseurs ont en effet la possibilité d’invoquer son article 27 pour attaquer en justice les gouvernements qui modifient leur politique énergétique.

Considéré par certains comme un moment historique pour l’action climatique, ce refus pourrait signer la fin du traité. La France a depuis annoncé son retrait, tout comme les Pays-Bas, l’Espagne, la Pologne, la Slovénie, l’Allemagne et le Luxembourg. En Suisse, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) de dresser d’ici fin février 2023 un état des lieux pour déterminer si la Suisse doit également dénoncer le traité ou retirer la protection aux investissements effectués notamment dans le charbon, le gaz et le pétrole.

Des municipalités portoricaines introduisent une class action contre des entreprises du secteur du charbon, du pétrole et du gaz

Le Climate Law Blog de la Columbia Law School rapporte que, le 22 novembre 2022, 16 municipalités de Porto Rico ont introduit une class action contre Exxon et d’autres compagnies pétrolières. Les plaignantes réclament la réparation des dommages considérables causés par deux ouragans en 2017. Elles considèrent que les entreprises poursuivies ont sciemment produit et commercialisé des produits responsables du changement climatique, tout en dissimulant les dangers qui y sont associés.

Les municipalités allèguent que ces entreprises seraient responsables d’environ 40% des émissions industrielles globales à effet de serre entre 1965 et 2017. Elles auraient ainsi aggravé l’intensité de la saison des ouragans en 2017 dont Porto Rico a énormément souffert, mais également favorisé la dégradation des récifs coralliens, la prolifération d’algues et eu un fort impact social et économique.

Cette action s’inscrit dans la tendance internationale des procès environnementaux centrés sur la responsabilité des entreprises de combustibles fossiles dans le réchauffement climatique, tandis que diverses procédures pour écoblanchiment reflètent également une demande accrue de transparence. On peut notamment mentionner le cas des actions contre Austrian Airlines ou encore contre TotalEnergie.

L’article du Climate Law Blog peut être consulté ici.

Le texte de la class action des municipalités portoricaines peut être consulté ici.

L’ONG Friends of the Earth attaque le gouvernement britannique pour l’autorisation donnée à un projet de mine de charbon au nord de l’Angleterre

En décembre 2022, le secrétaire d’État conservateur Michael Gove a donné son approbation à la construction de la première mine de charbon britannique depuis trente ans, dans le comté de Cumbria. Cette annonce a été accueillie avec scepticisme, notamment du fait que le secrétaire  d’État a qualifié cette nouvelle mine de neutre en CO2, affirmation qui a largement été qualifiée d’erronée.

Le Guardian rapporte qu’en réaction à cette autorisation, l’ONG Friends of the Earth a décidé d’intenter une action en justice contre le gouvernement britannique. Selon l’organisation, la décision d’autoriser une mine de charbon, en plus d’être injustifiée d’un point de vue climatique et économique, est également illégale. Friends of the Earth souligne que la question du signal envoyé au reste du monde en pleine urgence climatique n’aurait aucunement été abordée par le gouvernement.

L’article du Guardian annonçant l’action de Friends of the Earth est disponible ici, et celui relatant la qualification de la mine de charbon par Michael Gove de neutre en CO2 ici.

Le Chili et la Colombie saisissent la Cour interaméricaine des droits de l’Homme afin de clarifier la portée des obligations des États en matière d’urgence climatique

La ministre des Affaires étrangères chilienne a annoncé avoir déposé une requête conjointe avec son homologue colombien à la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, qui est notamment chargée d’interpréter les dispositions de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La Cour devra en particulier clarifier la portée des obligations positives de l’État en relation avec le dérèglement climatique.

L’avis rendu par la Cour sera consultatif et vaudra pour tous les États membres de l’Organisation des États américains. Avec cette demande, les deux pays marquent leur intention de prendre à bras-le-corps les problèmes soulevés par la crise climatique en matière de droits humains.

Dans l’affaire des Aînées pour la protection du climat Suisse et autres c. Suisse actuellement pendante devant la Grande Chambre de la CourEDH, les requérantes ont également soulevé la question des obligations positives incombant à la Suisse en vertu de la CEDH dans le contexte de la crise climatique.

Me Raphaël Mahaim, membre fondateur d’Avocat.e.s pour le Climat, est l’un des avocats qui a porté l’affaire des Aînées devant la CourEDH.

Le communiqué du ministère des affaires étrangères chilien est disponible ici.