Justice climatique : des jeunes triomphent contre l’État du Montana pour la protection de l’environnement

Plus tôt cet été, nous apprenions que seize plaignants âgés de 5 à 22 ans assignait en justice le Montana pour avoir violé leur droit à un environnement propre et sain. Le 14 août 2024, la Cour suprême du Montana a rendu un verdict historique, en leur donnant gain de cause.

Par le biais de cette décision, la juge a annulé une clause légale qui interdisait à l’administration locale de prendre en compte les conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur le climat lors de l’attribution de permis à des entreprises exploitant des énergies fossiles.

En plus des effets concrets de l’abrogation d’une clause néfaste, la décision pourrait, d’après le Washington Post, « influencer la manière dont les juges traitent des affaires similaires ». Le journal souligne également que cette décision constitue un rare succès pour les défenseurs du climat qui ont essayé d’utiliser les tribunaux pour mettre un frein aux politiques gouvernementales et aux activités industrielles qui lèsent la planète.

Parallèlement, on constate que d’autres affaires climatiques s’accélèrent. Le Wall Street Journal rapporte à ce titre que dans l’Oregon, des plaignants ont été autorisés à déposer une plainte modifiée, et qu’à Hawaï, « des plaignants cherchant à obtenir une réparation similaire en vertu de la Constitution de cet État se préparent à un procès qui aura lieu à l’automne ».

Ce combat difficile a abouti, selon Julia Olson, directrice exécutive de l’association qui soutenait les plaignants citée par le Washington Post, à « une grande victoire pour le Montana, pour les jeunes, pour la démocratie et notre Climat ». Varshini Prakash, directrice du Sunrise Movement, qui réunit des jeunes engagés pour la cause estime quant à elle que cette décision a permis de prouver « que la génération Z est une force puissante dans la lutte contre le changement climatique ». Il faut toutefois relever que la bataille n’est pas terminée, l’Etat du Montana ayant déjà annoncé son intention de faire appel contre cette décision.

Notre résumé du lancement de l’action en justice peut être consulté ici.

L’article rédigé par le Wall Street Journal peut être consulté ici.

L’article rédigé par le Washington Post peut être consulté ici.

Anaïs Savigny

Le Brésil inflige une amende de 50 millions de dollars à un éleveur pour la destruction de la forêt amazonienne.

En juillet, un tribunal fédéral brésilien a condamné Dirceu Kruger, un éleveur de bovins, à payer 50 millions de dollars pour déforestation illégale, rapporte The Guardian. Dirceu Kruger avait abattu illégalement des milliers d’hectares de forêt pour y installer ses bêtes. En plus de cette amende, il est contraint de restaurer les zones endommagées pour qu’elles puissent redevenir des puits de carbone efficaces.

Un aspect notable de cette procédure est la manière dont le tribunal a évalué les dommages. Il a à ce titre pris en compte, d’une part, les émissions de CO2 résultant de l’incendie de la végétation et, d’autre part, le CO2 qui n’a pas pu être absorbé par la forêt détruite. Le tribunal a ainsi calculé un total de 901 600 tonnes de CO2, chaque tonne étant évaluée à 65 dollars. The Guardian souligne que cette estimation est relativement basse par rapport aux évaluations récentes du coût social des émissions de carbone. Néanmoins, en raison de l’ampleur des faits reprochés, cette affaire est qualifiée de « plus importante poursuite civile pour crimes climatiques » au Brésil.

Cette décision s’inscrit dans une lutte plus large contre la déforestation au Brésil, relate Webagri. Le bureau du procureur général brésilien a en effet précisé que cette affaire n’était que la première d’une série d’actions visant à réparer les dommages climatiques causés par la destruction des biomes du pays. Cette décision pourrait ainsi établir un précédent pour des affaires similaires à l’avenir. Les fonds collectés par ces amendes seront investis dans un fonds national d’urgence climatique.

L’article de The Guardian est disponible ici (en anglais), celui de Webagri ici.

L’Union Européenne adopte un Règlement sur la restauration de la nature

Après un processus législatif rocambolesque, le Conseil de l’Union Européenne a finalement adopté le 17 juin 2024 le très attendu Règlement sur la restauration de la nature (RRN).

La Commission Européenne avait présenté ce projet de loi en juin 2022 afin de commencer à mettre en œuvre le Pacte vert (Green Deal) que s’est fixé l’Union Européenne pour 2050. En effet, depuis quelques années, l’UE démontre l’ambition de vouloir être un acteur international engagé dans le combat contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Par conséquent, ce règlement est indispensable pour qu’elle puisse respecter ses propres engagements environnementaux et ses obligations internationales, notamment l’accord adopté lors de la COP15 Biodiversité de Kunming-Montréal.

L’adoption du RRN règlement intervient suite au constat du mauvais état des habitats tant terrestres que marins en Europe. Cette Ladite législation vise essentiellement à restaurer les écosystèmes dégradés, à atténuer les effets du changement climatique et à améliorer la sécurité alimentaire.

L’obligation principale du RRN est la restauration progressive des écosystèmes, à savoir de 20% des habitats détériorés d’ici 2030, et de leur entièreté d’ici 2050. Plus en détail, le règlement vise une multitude d’objectifs : remédier au déclin des insectes pollinisateurs, restaurer les écosystèmes agricoles et marins qui permettent le stockage de carbone, maintenir le bois mort dans les forêts, conserver les espaces verts urbains et éliminer les obstacles qui empêchent la connectivité des cours d’eau douce.

L’Union Européenne a décidé de légiférer sous la forme d’un règlement directement applicable, qui a l’avantage de fixer des obligations juridiquement contraignantes aux États membres. Par conséquent, les 27 devront prendre les mesures et dispositions nationales adéquates pour sa mise en œuvre. La première action qu’ils devront entreprendre sera de présenter à la Commission Européenne des plans nationaux de restauration détaillant leur action dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du règlement. Par la suite, ils devront assurer le suivi des résultats accomplis et en rendre compte à la Commission.

Bien que l’efficacité de cette législation repose sur l’action entreprise par les États membres, il est du rôle de la Commission, ainsi que, subsidiairement de la Cour de Justice de l’Union, de veiller au respect par les États de leurs obligations communautaires et éventuellement de les sanctionner.

Ainsi, cette règlementation n’est que le début d’une série de mesures nécessaires pour protéger les écosystèmes européens.

Liens utiles :

https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2024/1991/oj?locale=fr

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/06/17/nature-restoration-law-council-gives-final-green-light

https://environment.ec.europa.eu/topics/nature-and-biodiversity/nature-restoration-law_en?prefLang=fr&etrans=fr

https://www.clientearth.org/latest/press-office/press/historic-win-for-eu-s-nature-eu-council-seals-the-deal-on-nature-restoration-law

Instauration d’un droit de compensation pour les victimes des pollutions illégales en Europe

On a souvent tendance à l’oublier, la pollution industrielle n’affecte pas seulement notre environnement, mais également notre santé.

Suite à ce constat, l’Union européenne a adopté, en janvier 2006, une directive sur les émissions industrielles (DEI) visant à encadrer de manière intégrée, secteur par secteur, les incidences sur l’environnement et la santé de 52’000 installations industrielles à grande échelle et exploitations d’élevage présentant un haut risque de pollution en Europe. Cette directive couvre tous les polluants potentiellement émis par les installations agro-industrielles qui nuisent à la santé humaine et à l’environnement.

Le 18 décembre 2023, les législateurs européens ont provisoirement décidé d’introduire à la DEI un nouvel art. 79a. Celui-ci proclame un nouveau droit pour les individus : celui de pouvoir réclamer et obtenir une indemnisation lorsqu’ils souffrent de dommages sanitaires dus à des violations de lois nationales transposant la DEI. Dans un article paru le 7 mars 2024, ClientEarth rapporte que pour introduire leur demande, les individus devront prouver trois éléments : (i) l’existence de dommages sanitaires, (ii) la violation des mesures nationales adoptées conformément à la DEI, et (iii) le lien de causalité entre le dommage et la violation de la mesure. Cette dernière condition reste, sans aucun doute, la preuve la plus difficile à rapporter.

En intégrant le droit à indemnisation dans la DEI, les législateurs de l’Union européenne envoient un signal aux États membres et à leurs tribunaux pour enfin garantir que les victimes souffrant de dommages sanitaires dus à une pollution industrielle illégale n’aient pas en plus à en supporter les coûts monétaires eux-mêmes.

Selon ClienthEarth, il est important de souligner que le droit à indemnisation DEI n’est pas une menace pour l’industrie. Les activités légales, bien que polluantes, ne donneront pas lieu à des demandes d’indemnisation. Du fait de l’instauration des trois conditions susmentionnées, ce droit ne permet nullement à quiconque d’aller au tribunal et d’obtenir des paiements sans preuve. Au contraire, il constitue une incitation supplémentaire pour l’industrie et les autorités des États membres à se conformer à leurs obligations déjà existantes, imposées par la DEI. S’il est mis en œuvre efficacement, le droit à indemnisation DEI pourrait notamment permettre de réduire la pollution et de garantir une vraie protection devant les tribunaux aux individus dont la santé a été affectée par une pollution industrielle illégale.

L’article de ClientEarth est disponible ici.

Anaïs Savigny

Deux ONG s’attaquent au chalutage dans les zones marines méditerranéennes « protégées »

Le 28 mai 2024, BLOOM et ClientEarth ont annoncé intenter une action en justice contre la France pour son autorisation de méthodes de pêche destructrices. Leur but : mettre fin au chalutage ayant lieu, malgré une interdiction à l’échelle européenne, dans des zones marines prétendument « protégées » en Méditerranée. Cette action vise à obliger la France à se conformer aux lois de l’Union européenne (UE) qui protègent les habitats marins vulnérables.

En effet, ClientEarth rappelle que l’UE a adopté, en 2006 déjà, une réglementation interdisant les méthodes de pêche susceptibles de détruire les habitats marins. Est notamment visé le chalutage de fond dans toutes les zones marines protégées (ZMP) abritant des habitats vulnérables comme les herbiers de posidonies et les récifs coralliens.

Nils Courcy, expert juridique de ClientEarth, et Swann Bommier, responsable des avocats de BLOOM, dénoncent cette situation. Ils accusent la France de céder aux lobbies de la pêche industrielle et ainsi de mettre en danger les écosystèmes marins de la Méditerranée.

Les ONG demandent concrètement la révision de trois décrets français autorisant le chalutage de fond dans certaines ZMP. Elles se disent prêtes à porter l’affaire devant les tribunaux si nécessaire.

Cette action pourrait établir un précédent important pour les ZMP dans toute l’UE, surtout à l’approche de la Conférence des Nations Unies sur les océans en juin 2025, que la France doit accueillir à Nice. ClientEarth cite comme exemple de voie à suivre la Grèce, qui a récemment interdit le chalutage de fond dans toutes ses ZMP d’ici 2030.

L’annonce de ClientEarth est disponible ici.

En Italie, le procès contre Eni a commencé

Le procès civil devant le tribunal de Rome opposant Eni, société d’hydrocarbures, aux deux ONG Greenpeace Italie et ReCommon, ainsi qu’à 12 citoyens italiens, a commencé le 16 février dernier. Les plaignants accusent Eni de mener des politiques en violation flagrante avec l’accord de Paris et demande une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

La première audience a eu lieu le 16 février 2024. A cette occasion, les parties ont procédé à un échange de documents, notamment relatifs aux demandes d’expertises. Le choix des experts est révélateur de la stratégie employée par chacune des parties.

D’un côté, les plaignants ont demandé l’audition de divers experts, notamment en matière de climat, d’énergie et d’anxiété climatique. Ils entendent ainsi relier au mieux les effets du changement climatique à ses causes, ce qui est nécessaire pour établir la responsabilité objective d’Eni.

De l’autre côté, les rapports d’Eni ont été rédigés par Stefano Consonni, un expert en énergie réputé conservateur, et Carlo Stagnaro, un économiste ultra libéral anciennement reconnu comme un négationniste climatique. Eni a pris le parti de ne pas demander l’audition d’experts en climat, mais de focaliser sa défense sur des considérations économiques et énergétiques.

Greenpeace et ReCommon ont publié un rapport dénonçant le manque d’indépendance des experts d’Eni. Il ressort du rapport en question que M. Stagnaro a pendant longtemps nié le changement climatique[1] et que M. Consonni a, préalablement, déjà collaboré en tant que consultant avec des entreprises d’énergies fossiles telles qu’ExxonMobil. Le même rapport accuse également Eni d’avoir connaissance des effets de leur activité sur le climat depuis les années 1970.

En réponse, Eni a publié un article sur son site internet intitulé « Eni e la Falsa Causa » se plaignant du fait que les procès climatiques auraient pour but de diaboliser les grandes entreprises.

La suite de la procédure se trouve entre les mains du juge, qui doit prochainement décider si les documents qui ont été présentés sont suffisants pour passer directement à l’audience finale. Dans le cas contraire, le juge pourrait ouvrir une enquête préliminaire afin de collecter plus d’informations et écouter le témoignage, proposé par les plaignants, de 12 citoyens italiens affectés par la crise climatique.

Sources et articles qui détaillent le sujet :

https://www.lemonde.fr/climat/article/2024/02/16/en-italie-le-petrolier-eni-en-proces-sur-sa-contribution-au-changement-climatique_6216951_1652612.html

https://www.open.online/2024/02/16/processo-eni-greenpeace-clima-prima-udienza

https://www.editorialedomani.it/ambiente/eni-alla-sbarra-al-via-in-italia-il-primo-processo-climatico-xbzlc2uv

https://www.qualenergia.it/articoli/clima-iniziato-processo-contro-eni-denuncia-greenpeace-recommon


[1] Notamment par le biais de l’Institut Bruno Leoni, cofondé et dirigé par lui-même, ayant collaboré avec des entités américaines négationnistes telles que le Heartland Institute qui a notamment travaillé pour le groupe Philip Morris soutenant l’absence de causalité entre le tabagisme et le cancer du poumon.