Revue de presse : la FIFA reconnue coupable de greenwashing

Le 5 juin 2023, la FIFA a été reconnue coupable de greenwashing en relation avec l’organisation de la dernière Coupe du Monde au Qatar. Cette décision de la Commission suisse pour la loyauté (CSL) fait suite à la plainte déposée par Avocat.e.s pour le Climat pour le compte de l’Alliance Climatique Suisse, ainsi que par quatre autres associations basées en France, au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas.

Cette victoire judiciaire a reçu un très large écho dans la presse suisse et internationale.

Des réactions en Suisse…

Le Temps rapporte que la décision de la CSL est sans appel : la FIFA n’a pas été en mesure de prouver ses allégations en matière climatique. Ce journal et Le Courrier rapportent les explications de Me Quentin Cuendet quant au caractère fortement dissuasif de cette décision, tant pour la FIFA que pour les autres entreprises tentées par le greenwashing.

Mais il y a plus, comme le relèvent Me Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui au micro de l’émission Forum de la RTS et Me Raphaël Mahaim dans les lignes du Blick : la violation à la Loi contre la concurrence déloyale retenue par la CSL peut également constituer un délit susceptible de faire l’objet de poursuites pénales.  

Dans un article détaillé, le SonntagsBlick souligne quant à lui que le greenwashing n’est plus considéré comme un délit-bagatelle. Le journal alémanique évoque le scandale DWS en Allemagne et rappelle que la question du greenwashing est également devenue centrale en Suisse, même si les outils à disposition des autorités sont encore insuffisants.

… dans la presse internationale…

Au niveau international, la victoire des plaignantes contre la FIFA a également été très largement relayée par la presse.

Le Monde et Le Figaro qualifient ainsi la décision de la CSL de « camouflet pour la communication environnementale de la FIFA » et rappellent qu’il s’agit d’un avertissement important pour les grands évènements sportifs à venir, et en particulier pour les JO 2024 de Paris. Les deux grands quotidiens français soulignent que la décision de la CSL a une portée particulièrement large et qu’elle met l’accent sur l’absence de méthode généralement acceptée pour l’estimation des émissions carbone d’un événement et pour le contrôle des compensations carbone.

 La presse anglophone n’est pas en reste : le Financial Times évoque un « carton rouge pour la FIFA », tandis que la BBC rapporte les propos de M. Andrew Simms, représentant de la plaignante anglaise New Weather Institute, qui appelle à l’adoption de règles plus contraignantes en matière de greenwashing.

Dans un article fouillé, The Guardian parle d’un verdict accablant pour la FIFA et d’une victoire pour les défenseurs de l’environnement dans toute l’Europe. Le quotidien anglais rappelle également le rapport très sévère pour la FIFA publié par Carbon Market Watch, une autre plaignante, dont les conclusions avaient pourtant été rejetées par l’instance dirigeante du football.

… et dans la presse sportive

La décision de la CSL n’est pas non plus passée inaperçue dans la presse sportive.

En France, le journal L’Equipe a ainsi consacré un article à la question. Il y donne notamment la parole à M. Jérémie Suissa, représentant de la plaignante Notre Affaire à Tous, qui souligne la force du message adressé depuis la Suisse à tous les organisateurs d’évènements sportifs et aux fédérations : « on ne peut organiser des évènements contraires à tous les engagements écologiques et proclamer la neutralité carbone ». Des affirmations reprises et développées dans un grand entretien accordé à So Foot, qui titre : « Cette accusation de greenwashing est une tache sur la chemise d’Infantino ».

La décision de la CSL est accessible ici (en PDF).

La FIFA reconnue coupable de Greenwashing suite à une plainte d’Avocat-e-s pour le Climat

Suite à une plainte déposée par Avocat-e-s pour le Climat pour le compte de l’Alliance Climatique en novembre 2022, l’organisme suisse de contrôle de la publicité a estimé que les allégations de neutralité carbone entourant la coupe du monde au Qatar étaient trompeuses.

Lien vers la décision ici

En novembre 2022, des plaintes venant de Suisse, du Royaume-Uni, de France, de Belgique et des Pays-Bas, avaient été déposées contre la FIFA pour concurrence déloyale. Les associations plaignantes s’étonnaient que la FIFA puisse vanter « une Coupe du Monde neutre en carbone ». Les six associations, dont l’Alliance Climatique (Suisse) ou encore Notre Affaire à tous (France) s’appuient en particulier sur un rapport de l’ONG Carbon Market Watch (Belgique, plaignante elle aussi) selon lequel les allégations de neutralité carbone formulées par les organisateurs du tournoi sont largement sous-estimées.

Ainsi, dans le calcul de ses émissions de CO2, la FIFA n’a pas tenu compte de l’impact des shuttle flights ; ces 500 vols quotidiens permettaient aux supporters de relier leur hôtel à Dubai, Riyadh ou encore au Koweït avec le Qatar. La FIFA n’avait aussi que très peu tenu compte des émissions de CO2 générées par la construction des sept stades de foot construits pour l’événement. 

La FIFA a présenté sa défense dans un mémoire d’une cinquantaine de pages. L’autorité a écarté toutes les objections de l’organisation sportive dans une décision très satisfaisante, notifiées aux parties le 6 juin 2023. Nous vous en livrons ci-dessous quelques extraits :

Selon l’autorité, « [l]e message-clé selon lequel la Coupe du monde de football 2022 au Qatar est « neutre en carbone » […] ne peut être formulé qu’à condition que son caractère correct selon des méthodes de mesure d’émissions de Co2 définitives et généralement acceptées ainsi que leur compensation intégrale soient prouvées. De l’avis de la Chambre, ce n’est pas le cas en l’état actuel de nos connaissances ».

L’autorité poursuit en expliquant : « par l’expression ‘neutralité climatique’ ou ‘neutralité carbone’, le destinataire moyen entend une Coupe du monde de football qui doit se dérouler avec le même résultat, s’agissant des émissions de carbone, que si ce tournoi n’avait pas eu lieu du tout. Pour atteindre ce résultat, les destinataires moyens s’attendent à ce que les émissions de CO2 générées par le tournoi, déterminées selon des méthodes de mesure définitives et généralement acceptées, soient entièrement compensées. D’où la nécessité d’apporter une preuve complète des méthodes de calcul appliquées et généralement acceptées portant sur toutes les émissions de carbone produites causalement par l’existence du tournoi, ainsi que la nécessité d’apporter la preuve de la compensation intégrale desdites émissions de carbone ».

Dans un paragraphe remarquable dédié à la compensation des émissions carbone, l’autorité souligne :

« Même si l’estimation venait un jour à correspondre aux chiffres définitifs, de l’avis de la Chambre, la question de savoir si la compensation promise est véritablement réaliste demeure toutefois peu claire. Même si la partie défenderesse décrit ses intentions de compensation, et même si elle affirme qu’elle aurait déjà compensé ‘ex-ante’ les 3,ó3 millions de tonnes de CO2 estimés, et même si elle laisse entrevoir de manière répétée qu’elle compensera intégralement les émissions à calculer définitivement à une date ultérieure, elle n’est pas en mesure d’apporter la preuve de la compensation des émissions estimées ‘ex-ante’ et ne présente pas non plus de concept selon lequel elle pourra procéder sans autre à une éventuelle compensation supplémentaire d’une ampleur indéterminée. En outre, ta question demeure peu claire de savoir si les mesures compensatoires sont conformes aux standards suisses ».

La Commission suisse pour la loyauté souligne également que « La [FIFA] a parfois travaillé en recourant à des messages formulés en termes absolus et a ainsi suscité l’impression erronée et fallacieuse selon laquelle la Coupe du monde de football 2022 au Qatar aurait déjà atteint la neutralité climatique ou la neutralité carbone avant et pendant le tournoi »

Sur cette base, l’autorité a estimé que la FIFA n’a pas apporté la preuve « de manière crédible de quelle manière toutes les émissions de CO2 générées par te tournoi pouvaient être compensées conformément aux standards suisses ».

Aussi, la FIFA est invitée à « renoncer à l’avenir aux allégations contestées, en particulier que la Coupe du monde de football organisée en 2022 au Qatar serait neutre pour le climat et en CO2 ».

La décision de la Commission suisse pour la loyauté est accessible ici

Étude menée par l’Université de Berne sur les procès climatiques en suisse

Des chercheur∙euse∙s des Universités de Berne et Lausanne ont publié le 17 mai 2023 un article intitulé Désobéissance civile et procès climatiques en Suisse – quels combats se jouent devant les tribunaux suisses ?

Rédigé avec le soutien financier du Fonds National Suisse, cette recherche recense et analyse quelques 150 décisions de justice relatives aux procès climatiques en Suisse. L’accent est mis sur les procédures pénales intentées par les autorités contre des manifestant∙e∙s pacifiques pour le climat. 

Il ressort de ce rapport notamment que: 

  • Une part significative des jugements relatifs à ces actions pacifiques ne reconnaissent pas celles-ci comme de simples contraventions, mais bien comme des délits. Les sanctions qui en découlent impliquent une inscription au casier judiciaire des participant·e·x·s. La plupart des juges concerné∙e∙x∙s par ces affaires ne s’intéressent pas de près à la problématique du changement climatique; la crise climatique, bien-fondé des manifestations, est décrite comme «un fait notoire», qu’il n’est pas nécessaire de discuter plus avant dans les tribunaux, en faisant intervenir des expert∙e∙x∙s par exemple.
  • La combinaison de mesures policières, d’ordonnances du ministère public ainsi que de décisions et de jugements provoque chez de nombreux∙ses activistes en Suisse un effet dissuasif («chilling effect»): en effet, l’analyse des différentes décisions rendues jusqu’à présent laisse craindre que d’autres actions de protestation pacifiques et non violentes soient criminalisées, que les personnes participant à ces actions subissent des fouilles corporelles, soient soumises à des mesures d’identification, puissent passer jusqu’à 48 heures en arrestation, soient condamnées au paiement d’amendes et de frais de procédure élevés, ou encore qu’elles fassent l’objet d’une inscription au casier judiciaire. Autant d’éléments qui pèsent lourdement dans la balance au moment de choisir de s’engager à nouveau dans une action pacifique pour la plupart des personnes condamnées. L’objectif de ces mesures est d’empêcher les activistes de participer à de futures manifestations non annoncées ou non autorisées, ce qui constitue une atteinte à la liberté de réunion et d’expression telles que définies par les articles 16 et 22 de la Constitution, des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que le Pacte II de l’ONU.
  • En novembre 2021, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies se sont adressé∙e∙x∙s formellement à la Suisse, s’inquiétant de l’usage excessif de la force par la police, des mesures de détention ainsi que des peines prononcées à l’encontre des participant∙e∙x∙s à la ZAD de la Colline du Mormont. Au vu de l’évacuation de la ZAD le 22 mars 2021, les Rapporteurs ont rappelé que l’action en question constituait un cas de désobéissance civile pacifique. Or, le droit de se rassembler pacifiquement dans le cadre d’actions de désobéissance civile est un droit humain reconnu par les traités internationaux et doit être protégé, au-delà des restrictions que peuvent imposer les juridictions nationales.

L’article de humanrights.ch évoquant cette recherche est disponible ici et le rapport est disponible ici.

Suggestion de citation de l’article: Bluwstein, J., Demay, C., Benoit, L. (2023). Désobéissance civile et procès climatiques en Suisse – quels combats se jouent devant les tribunaux suisses ? humanrights.ch

Prévention du greenwashing financier: la position du Conseil fédéral

A ce jour, la législation suisse, ne comporte aucune obligation de transparence ou de conformité à des critères spécifiques de développement durable pour les services ou produits financiers, à l’exception des fonds. Il existe dès lors un risque qu’ils soient présentés à tort comme ayant des objectifs ou des caractéristiques de durabilité (écoblanchiment ou « greenwashing »).

Se fondant sur l’Agenda 2030 pour le développement durable des Nations unies, le Conseil fédéral estime que les produits et services financiers présentés comme durables devraient poursuivre au moins l’un des objectifs suivants : (i) l’alignement avec un ou plusieurs objectifs de durabilité spécifiés ou (ii) la contribution à la réalisation d’un ou plusieurs objectifs de durabilité spécifiés. Le fait de viser à réduire les risques ESG ou d’optimiser la performance financière ne devrait en revanche pas être suffisant pour qu’un produit ou service financier soit qualifié de durable.

Le but de ces critères est de permettre aux investisseurs et aux clients de pouvoir se déterminer sur l’opportunité d’investir dans des produits et des services dits « durables » et d’évaluer dans quelle mesure ils poursuivent un objectif environnemental.

Pour ce faire, le prestataire devrait rendre publiques, transparentes et comparables les informations décrivant son approche en vue d’atteindre les objectifs spécifiques de durabilité qu’il a déterminés (en particulier, investissement d’impact et/ou engagement actionnarial) et sa manière de les concrétiser. Des comptes devraient périodiquement être rendus sur ces objectifs de durabilité. Un tiers indépendant devrait vérifier la mise en œuvre du principe de transparence. En outre, le caractère contraignant des obligations susmentionnées permettrait une mise en œuvre effective. En cas de non-respect de la transparence exigée, les clients, investisseurs et assurés devraient disposer d’une voie de droit effective.

Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances (DFF) de mettre en place un groupe de travail incluant notamment la FINMA. Un plan et des propositions concrètes de mise en œuvre de la position du Conseil fédéral seront présentés d’ici au 30 septembre 2023.

La position du Conseil fédéral en matière de prévention de l’écoblanchiment peut être consultée ici.

Fanny Dias

Obligations de reporting des entreprises suisses en matière climatique

La directive du Parlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou Corporate Sustainability Reporting Directive (ci-après : CSRD) commencera à s’appliquer progressivement dès le 1er janvier 2024.

L’obligation de reporting qu’elle impose s’appliquera aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance de l’entreprise (art. 19ter par. 2 CSRD). Elle impliquera la publication par les entreprises concernées tant des risques financiers encourus en raison du changement climatique, que de l’impact de leurs activités commerciales sur le climat. Elles devront également décrire leurs objectifs de réduction de leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre, ainsi que les moyens consacrés à ces objectifs. Il s’agira toutefois d’un simple devoir de transparence, et non d’une obligation de mise en œuvre.

En Suisse, conformément aux critères énoncés à l’art. 40a CSRD, cette obligation ne s’appliquera qu’à des sociétés réalisant un chiffre d’affaires considérable.

Parallèlement, le 23 novembre 2022, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance d’exécution relative au rapport des grandes entreprises suisses sur les questions climatiques. Dès le 1er janvier 2024, un rapport sur les questions climatiques devra être intégré au rapport sur les questions non financières (art. 964a à 964c CO). Ces nouvelles normes ne sont toutefois pas équivalentes à celles du CSRD, de sorte que les entreprises suisses concernées pourraient devoir établir deux reportings distincts.

Ces questions ont été traitées dans deux publication du Centre de droit bancaire et financier : Teymour Brander, Reporting en matière de durabilité : Quel impact de la CSRD pour les entreprises suisses ?, https://cdbf.ch/1262/ et Hristina StoyanovaReporting en matière de questions climatiques : L’approche suisse avec l’ordonnance du Conseil fédéral, https://cdbf.ch/1263/).

Me Tali Paschoud, membre fondatrice d’Avocat.e.s pour le Climat, s’est par ailleurs exprimée au micro de la RTS sur l’adoption de l’ordonnance du Conseil fédéral et ses insuffisances.

Fanny Dias