Des chercheur∙euse∙s des Universités de Berne et Lausanne ont publié le 17 mai 2023 un article intitulé Désobéissance civile et procès climatiques en Suisse – quels combats se jouent devant les tribunaux suisses ?

Rédigé avec le soutien financier du Fonds National Suisse, cette recherche recense et analyse quelques 150 décisions de justice relatives aux procès climatiques en Suisse. L’accent est mis sur les procédures pénales intentées par les autorités contre des manifestant∙e∙s pacifiques pour le climat. 

Il ressort de ce rapport notamment que: 

  • Une part significative des jugements relatifs à ces actions pacifiques ne reconnaissent pas celles-ci comme de simples contraventions, mais bien comme des délits. Les sanctions qui en découlent impliquent une inscription au casier judiciaire des participant·e·x·s. La plupart des juges concerné∙e∙x∙s par ces affaires ne s’intéressent pas de près à la problématique du changement climatique; la crise climatique, bien-fondé des manifestations, est décrite comme «un fait notoire», qu’il n’est pas nécessaire de discuter plus avant dans les tribunaux, en faisant intervenir des expert∙e∙x∙s par exemple.
  • La combinaison de mesures policières, d’ordonnances du ministère public ainsi que de décisions et de jugements provoque chez de nombreux∙ses activistes en Suisse un effet dissuasif («chilling effect»): en effet, l’analyse des différentes décisions rendues jusqu’à présent laisse craindre que d’autres actions de protestation pacifiques et non violentes soient criminalisées, que les personnes participant à ces actions subissent des fouilles corporelles, soient soumises à des mesures d’identification, puissent passer jusqu’à 48 heures en arrestation, soient condamnées au paiement d’amendes et de frais de procédure élevés, ou encore qu’elles fassent l’objet d’une inscription au casier judiciaire. Autant d’éléments qui pèsent lourdement dans la balance au moment de choisir de s’engager à nouveau dans une action pacifique pour la plupart des personnes condamnées. L’objectif de ces mesures est d’empêcher les activistes de participer à de futures manifestations non annoncées ou non autorisées, ce qui constitue une atteinte à la liberté de réunion et d’expression telles que définies par les articles 16 et 22 de la Constitution, des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que le Pacte II de l’ONU.
  • En novembre 2021, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies se sont adressé∙e∙x∙s formellement à la Suisse, s’inquiétant de l’usage excessif de la force par la police, des mesures de détention ainsi que des peines prononcées à l’encontre des participant∙e∙x∙s à la ZAD de la Colline du Mormont. Au vu de l’évacuation de la ZAD le 22 mars 2021, les Rapporteurs ont rappelé que l’action en question constituait un cas de désobéissance civile pacifique. Or, le droit de se rassembler pacifiquement dans le cadre d’actions de désobéissance civile est un droit humain reconnu par les traités internationaux et doit être protégé, au-delà des restrictions que peuvent imposer les juridictions nationales.

L’article de humanrights.ch évoquant cette recherche est disponible ici et le rapport est disponible ici.

Suggestion de citation de l’article: Bluwstein, J., Demay, C., Benoit, L. (2023). Désobéissance civile et procès climatiques en Suisse – quels combats se jouent devant les tribunaux suisses ? humanrights.ch