Destruction du glacier Théodule : Avocat-e-s pour le climat intervient

La presse s’est fait l’écho de travaux de construction gigantesques et d’images choc sur le glacier du Théodule, dans le contexte de l’aménagement de la piste de la « Gran Becca » censées accueillir les descentes de Coupe du monde le mois prochain. Selon des relevés GPS effectués par le quotidien 20 minutes, le tracé de la piste excéderait les limites de la zone dédiée aux activités de ski. Par ailleurs, aucune autorisation de construire n’a pu être consultée à ce jour. 

Face à ces soupçons de travaux illicites, le WWF, Pro Natura et Mountain Wilderness Schweiz, assistées par Avocat-e-s pour le Climat, ont saisi la Commission cantonale des constructions pour réclamer une interruption immédiate des travaux, un examen de la légalité du projet et, si nécessaire, une remise en état des lieux.

Trop, c’est trop. Les prévisions annoncent une fonte de la moitié du glacier du Théodule d’ici 2080. Pour limiter au possible le dérèglement climatique nous devons faire d’importants efforts à tous les niveaux. Or une petite minorité brandit encore ses propres intérêts économiques pour justifier des comportements intolérables aujourd’hui : détruire un glacier pour opérer une nouvelle piste en coupe du monde de ski.

En vue des descentes de la Coupe du monde du 11 novembre 2023, des travaux de construction sont en cours en vue d’aménager la piste de la « Gran Becca » entre la commune de Zermatt et le village italien de Cervinia. Alors que les organisateurs assuraient que la piste de course ne nécessitait que des ajustements mineurs, les images relayées par la presse attestent de l’envergure des travaux actuellement menés sur le glacier. Malgré leurs requêtes, les journalistes n’ont pas pu consulter un quelconque permis de construire. Le tracé de la piste semble au surplus excéder les limites des zones affectées au domaine skiable.

Face à cette situation inquiétante, de nombreuses voix se sont élevées au sein des milieux de protection de la nature, de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique, mais également du côté des acteurs sportifs. Afin que la lumière soit faite sur cette affaire, le WWF, Pro Natura et Mountain Wilderness Schweiz ont mandaté Avocat-e-s pour le climat pour saisir la Commission cantonale des constructions du canton du Valais d’une requête urgente en interruption immédiate des travaux. Chaque minute compte pour sauver le terrain encore préservé du glacier. Les associations ont également sollicité de la Commission qu’elle ordonne les mesures d’instruction nécessaires pour documenter l’ampleur des travaux et leur conformité au droit de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature et de l’environnement. Si le projet s’avère matériellement illicite, les associations exigeront la remise en état du terrain.

Le dossier est à présent en mains de la Commission cantonale des constructions, à qui il appartient de rétablir une situation conforme au droit.

Les propriétaires de VW touchés par le dieselgate en Suisse ne seront pas indemnisés

Ce sont 117’000 véhicules Volkswagen et autant de propriétaires suisses touchés par le Dieselgate qui, contrairement aux allemands ou aux américains, ne seront pas indemnisés : ils ne recevront pas un centime, malgré la responsabilité pénale du constructeur automobile qui a déjà dû verser 30 milliards d’indemnités et de frais de justice au niveau mondial.

En 2017, 2000 lésés suisses ont cédé leurs droits à MyRight – organisation allemande de défense des consommateurs – à laquelle la justice allemande a reconnu le droit de défendre leurs intérêts. L’organisation introduit alors une action collective en Allemagne à l’encontre de Volkswagen dans le but d’obtenir entre 1’600 et 5’000 euros par propriétaire de véhicule.

Courant 2023, un propriétaire suisse-allemand a été toutefois débouté par la justice face à la marque. MyRight fait face à d’importants frais de justice et ne voit plus aucune chance de faire aboutir les cas suisses. Elle estime que le combat est vain et que sa situation financière n’est plus tenable ; l’organisation a donc abandonné ce pan de l’action collective, laissant les propriétaires suisse sans indemnité.

Selon Me Jacques Roulet, avocat à Genève, l’échec de MyRight est dû à l’application du droit suisse dans le cadre de la procédure allemande: celui-ci est actuellement insuffisant et n’offre pas les outils juridiques nécessaires à la protection des consommateurs suisses.

En effet, l’action collective n’existe pas en Suisse, et bien qu’un projet soit actuellement discuté à l’Assemblée fédérale, les propriétaires lésés ne pourront pas en profiter. A ce jour, la seule solution qui s’offre à eux est d’obtenir individuellement gain de cause face à la justice. C’est ce que Me Roulet a réussi à faire dans une affaire genevoise (cf. victoire-genevoise-pour-une-victime-du-dieselgate). Celle-ci démontre qu’il est possible, pour les propriétaires helvétiques, de faire valoir leurs droits par le biais de l’annulation du contrat pour autant que leurs droits ne soient pas prescrits.

L’article de la RTS est consultable ici et celui de la FRC ici.

La Chambre administrative de la Cour de Justice genevoise admet la conformité à la loi des pistes cyclables mises en place depuis le confinement à Genève sur l’axe de la Coulouvrenière.

Durant l’été 2020, plusieurs mesures dites « post-Covid » ont été mises en place par les autorités en ville de Genève. Parmi elles, l’affectation à une bande cyclable d’une voie auparavant réservée au transport individuel motorisé (TIM) sur le Boulevard Georges-Favon, grand axe du réseau genevois. Cette affectation a été critiquée et portée devant la justice par le Touring Club Suisse (TCS). Le Tribunal administratif de première instance (TAPI) chargé de l’affaire a, en 2022, admis ces recours et annulé les décisions portant sur les pistes cyclables « post-Covid », jugeant que celles-ci portaient une atteinte excessive à la circulation et à la liberté individuelle du choix du mode de transport prévue par la Constitution et la loi genevoise.

Le département des infrastructures de l’Office cantonal des transports ainsi que la Ville de Genève ont alors fait recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de Justice (CACJ), autorité de deuxième instance, demandant l’annulation de l’arrêt du TAPI. Ledit recours a été admis, de sorte que les pistes cyclables attaquées resteront en place, sauf éventuelle victoire sur recours du TCS au Tribunal fédéral, recours qui n’a toutefois pas été annoncé à ce jour. 

Pour rendre sa décision, le TAPI s’était notamment basé sur la hiérarchie du réseau routier, qui interdisait selon lui qu’un axe principal de la ville soit soustrait au trafic automobile. La deuxième instance déconstruit cependant cette analyse : quand bien même le tronçon en question fait partie du réseau primaire ou secondaire de la ville, rien n’indique dans la législation genevoise que deux voies de circulation dédiées au transport individuel motorisé (TIM) soient nécessaires. Et la CACJ de donner plusieurs exemples de tronçons primaires ne comportant qu’une seule voie de circulation réservée au TIM tels que la Route de Chancy, l’Avenue des Acacias ou encore l’Avenue de Châtelaine. En revanche, la législation impose expressément une priorisation de la mobilité douce et des transports publics dans les zones de centre-ville. Ainsi, affecter une des deux voies réservées au TIM à la mobilité douce est une mesure qui respecte la volonté du législateur.

L’autre fondement de la suppression des pistes cyclables « post-Covid » aux yeux du TAPI était l’absence de proportionnalité entre les bénéfices et les coûts générés par la nouvelle affectation. Selon le TAPI, celle-ci aurait provoqué des bouchons conséquents et ainsi un désagrément qui ne saurait être compensé par les bienfaits d’une nouvelle piste cyclable pour les cyclistes genevois. Les embouteillages prétendument créés par cette nouvelle piste cyclable n’ont toutefois, aux yeux de la CACJ, pas été suffisamment prouvés par les pièces déposées au dossier. De simples photographies de la circulation ne sauraient suffire à retenir un rallongement du temps de parcours lié à la nouvelle piste cyclable. Au contraire, les nombreuses pièces produites par le département tendent à établir une perte pour le TIM de seulement 50 secondes sur le tronçon concerné, ce qui est loin d’être disproportionné. La CACJ a également justifié la proportionnalité de la mesure en question par la diminution constante et significative du nombre d’automobilistes utilisant cet axe routier. En ce sens, réduire l’espace qui leur est attribué ne saurait être critiqué, d’autant plus au vu de l’augmentation élevée du nombre de cyclistes.

Finalement, la CACJ a souligné le fort intérêt d’une telle piste cyclable pour la sécurité des cyclistes, lesquels se sont vus attribuer une voie obliquant une seule fois pour un itinéraire menant à la gare (contre onze fois dans l’alternative proposée par le TCS !). De manière générale, le TAPI a, aux yeux de la seconde instance, « largement surestimé les effets négatifs des mesures tout en sous-estimant les effets positifs sur la mobilités des cyclistes et des piétons, en se fondant sur un état de fait incomplet ».

Il est encore intéressant de relever l’opinion séparée émise par un membre du tribunal qui souhaitait confirmer la suppression des pistes cyclables « post-Covid » et propose un raisonnement à notre sens aussi surprenant que peu convaincant. A titre d’exemple, il soutient que maintenir une piste cyclable aussi large que celle qui a été mise en place encouragerait les cyclistes à violer la loi (il est interdit de circuler de front à plusieurs), ou encore que la nouvelle piste cyclable entraînerait un surcroit de pollution du fait des embouteillages notoires qu’elle crée. Finalement, il déplore le fait que la mise en place de la piste cyclable ne serait selon lui qu’une « mesure consistant à décourager encore et toujours le trafic automobile ».

L’arrêt de la Chambre administrative de la Cour de Justice genevoise est disponible ici.

Greenwashing de la FIFA : la frilosité de la Confédération

Au début du mois de septembre 2023, l’Alliance Climatique Suisse, assistée par Avocat.e.s pour le Climat, a adressé au SECO une requête tendant à la condamnation publique de la FIFA par la Confédération et éventuellement au dépôt d’une plainte pénale à son encontre.

Cette requête a été rejetée par le SECO dans un récent courrier.

La position du SECO dévoile un manque regrettable de volonté de s’attaquer frontalement à la problématique du greenwashing dans le domaine sportif. Plutôt que d’assumer politiquement ce manque de volonté, ce que la LCD aurait permis au SECO, celui-ci a décidé de se réfugier derrière plusieurs arguments juridiques erronés.

Premièrement, à lire le SECO, le dépôt d’une plainte par la Confédération serait exclu du fait qu’aucune réclamation ne lui aurait été adressée et que la FIFA aurait supprimé les allégations de neutralité carbone de son site internet. Toujours selon le SECO, une intervention de la Confédération sur la base de l’art. 10 al. 3 let. b LCD ne serait possible« qu’après avoir reçu un nombre suffisant de réclamations ».

Une telle condition ne ressort pourtant nullement de la loi. La LCD confère en effet la légitimation active à la Confédération lorsque la réputation de la Suisse à l’étranger est menacée ou subit une atteinte et que les personnes dont les intérêts économiques sont touchés résident à l’étranger (art. 10 let. a) ou que les intérêts de plusieurs personnes, les intérêts d’un groupe de personnes appartenant à un secteur économique ou d’autres intérêts collectifs sont menacés ou subissent une atteinte (let. b).

Vu l’importance de la FIFA, son impact sur l’image de la Suisse à l’étranger, le caractère trompeur de ses allégations de neutralité carbone et le grand nombre d’évènements sportifs dont elle assure l’organisation, nous considérons au contraire que les deux conditions alternatives de l’art. 10 al. 3 LCD étaient remplies en l’espèce.

Secondement, le SECO indique que « toute personne qui s’estime lésée par un acte de concurrence déloyale peut se défendre elle-même […] par une action civile ou par une plainte pénale ».

 Cette affirmation est grossièrement fausse. Dans le cas d’espèce, aucun individu n’est suffisamment atteint pour pouvoir ouvrir une action civile ou déposer une plainte pénale contre la FIFA. Le SECO fait mine d’ignorer ce qui fait la particularité de la LCD : tout l’intérêt de la légitimation active accordée à la Confédération et aux associations de défense des consommateurs est en effet de permettre la poursuite de comportements contraires à la loyauté commerciale même lorsque les particuliers n’ont pas la possibilité d’ouvrir action. Une telle situation peut notamment survenir lorsqu’aucune des personnes concernées n’est touchée avec une intensité suffisante pour lui permettre d’agir, mais qu’il existe néanmoins un intérêt public à la poursuite du comportement répréhensible.

Pour ces raisons, Avocat.e.s pour le Climat regrette la position adoptée par le SECO. Forte du succès obtenu devant la Commission Suisse pour la Loyauté, elle continuera à lutter contre le greenwashing, dans le domaine sportif comme dans tous les secteurs économiques.

Notre courrier au SECO peut être consulté ici. La réponse du SECO peut être consultée ici.

Greenwashing : La FIFA poursuivie devant la Confédération

Après avoir été épinglée pour Greenwashing par la Commissions Suisse pour la Loyauté, la FIFA pourrait devoir rendre des comptes à la Confédération suisse. Assistée par Avocat-e-s pour le Climat, l’Alliance Climatique Suisse a en effet adressé aujourd’hui une requête au SECO. Elle demande à l’autorité de condamner publiquement l’organisation sportive et éventuellement de déposer une plainte pénale à son encontre.
L’Alliance Climatique Suisse n’entend pas en rester là ! Après le carton rouge que la Commission Suisse pour la Loyauté a infligé à la FIFA à la suite de son intervention, la faîtière, qui regroupe en son sein des organisations telles que Greenpeace, WWF, Amnesty International ou encore Public Eye, entend faire réagir la Confédération. Assistée d’Avocat-e-s pour le Climat, elle demande à présent aux autorités fédérales de condamner publiquement le comportement de la FIFA et d’envisager le dépôt d’une plainte pénale contre l’association zurichoise.
Pour rappel, en novembre 2022, des plaintes venant de Suisse, du Royaume-Uni, de France, de Belgique et des Pays-Bas, avaient été déposées contre la FIFA pour concurrence déloyale. Les associations plaignantes s’étonnaient que la FIFA puisse vanter « une Coupe du Monde neutre en carbone ». Dans une décision notifiée aux parties en juin 2023, la Commission suisse pour la Loyauté a écarté les objections formulées par la FIFA en estimant sans détour que « La [FIFA] a parfois travaillé en recourant à des messages formulés en termes absolus et a ainsi suscité l’impression erronée et fallacieuse selon laquelle la Coupe du monde de football 2022 au Qatar aurait déjà atteint ta neutralité climatique ou la neutralité carbone avant et pendant le tournoi ».
Dans sa décision du mois de juin 2023, l’organisme de contrôle de la publicité a souligné que le comportement de la FIFA pouvait constituer une infraction à la Loi sur la concurrence déloyale, ce qui serait constitutif d’un délit. Or, en principe en Suisse, lorsqu’une personne commet un délit, elle s’expose à une procédure pénale. Il n’y a aucune raison que la FIFA, ou ses employés chargés de la communication environnementale trompeuse, échappe à ce principe. C’est dans cette perspective qu’Avocat-e-s pour le Climat et l’Alliance Climatique Suisse portent à présent l’affaire devant les autorités fédérales.
Cette démarche donne à la Confédération l’occasion de sanctionner efficacement un comportement contraire au droit. Si la FIFA reste impunie alors qu’elle s’est prêtée à de l’écoblanchiment, c’est un très mauvais signal à l’international. Cela signifie qu’en Suisse, les entreprises qui violent le droit climatique peuvent ne pas être inquiétée. Un tel message risque de décourager les entreprises qui font de vrais efforts environnementaux et inversement d’encourager certains acteurs économiques à présenter de façon mensongère certains de leurs produits comme étant écoresponsables.
Le dossier est à présent en mains du SECO à qui il revient de décider si la Confédération entend condamner efficacement le Greenwashing.

Lire le courrier 2023-09-06-ACS-a-SECO-poursuites-FIFA.pdf

Victoire genevoise pour une victime du Dieselgate

C’est une victoire symbolique en Suisse : dans une décision rendue fin juin 2023, la Cour de justice de Genève a confirmé la condamnation de l’importateur AMAG à payer Fr. 18’000 d’indemnité à un propriétaire de véhicule dans le cadre du Dieselgate. Selon les juges, le propriétaire du Touran 1.6 L TDI, modèle Diesel, acheté en 2013 était dans son droit lorsqu’il a annulé le contrat de vente.

Malgré un rappel exécuté par AMAG, les émissions d’oxyde d’azote (NOx) de la voiture défectueuse continuaient à dépasser largement les normes d’homologation fixées à 180mg/km. C’est ce qu’a révélé l’expertise juridique requise dans le cadre de la procédure : mesurées à trois reprises, les émissions de NOx se sont à chaque fois révélées supérieures à 230mg/km. La Cour a donc estimé que la conduite d’un tel véhicule rendait son propriétaire susceptible de commettre une infraction.

Suite à l’action rédhibitoire exercée par le propriétaire, les juges ont donc condamné AMAG au paiement du prix à neuf diminué d’une indemnité kilométrique, ainsi qu’aux frais et dépens.

Dans ses déclarations à la presse, l’avocat du propriétaire a déploré l’impossibilité de mener des « class actions » en Suisse, qui complique notablement les démarches des nombreux autres automobilistes concernés pour faire valoir leurs droits. AMAG a quant à elle dénoncé une « expertise juridique incorrecte », dont les résultats ne peuvent selon elle pas être généralisés à d’autres véhicules.

En Suisse, ce sont 180’000 clients de la marque ont acheté des véhicules trafiqués. Actuellement, en l’absence de résultats probants en Suisse, leur meilleur espoir repose en Allemagne, où 2’000 d’entre eux ont cédé leurs créances au prestataire de services juridiques Financialrights, à qui la Cour constitutionnelle a octroyé le droit d’agir pour ces clients étrangers. En Allemagne, 230’000 plaignants ont déjà été dédommagés, et au niveau mondial, Volkswagen a déjà versé plus de 30 milliards de francs en amendes, accords financiers et reprises de véhicules.

Pour l’heure, la procédure pénale ouverte par le Ministère public de la Confédération contre AMAG et Volkswagen se poursuit, dans le but d’établir si des responsables de ces sociétés avaient connaissance de la tromperie relative aux émissions d’oxyde d’azote avant que le scandale n’éclate en 2015.

L’arrêt de la Cour de justice est consultable ici.

L’article de la RTS est consultable ici, et l’article du Temps est quant à lui consultable ici.

Voir également : https://www.rts.ch/info/economie/12663957-premiere-victoire-en-justice-pour-une-victime-suisse-du-dieselgate.html.

Fanny Dias