Dissolution du collectif « les Soulèvements de la Terre » suspendue : le Conseil d’État français désavoue le gouvernement

En date du 11 août 2023, le Conseil d’État a décidé de suspendre la dissolution du collectif d’écologie politique et contestataire « les Soulèvements de la Terre ». Cette dissolution avait été prononcée par décret le 21 juin dernier, au motif que l’organisation inciterait à des actes de violence et y participerait.

Des accusations immédiatement réfutées par l’organisme qui jugeait cette dissolution « liberticide car attentatoire à liberté d’expression et à la liberté d’association ».

Soutenu par plusieurs associations, partis et des milliers de personnes, le collectif avait saisi le Conseil d’État d’une procédure d’urgence. Dans sa décision, la plus haute juridiction administrative française a réfuté la position du gouvernement, estimant qu’il existe « un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens ».

Selon le Conseil d’État, « il ne résulte pas des pièces versées au dossier […] que ce collectif cautionne d’une quelconque façon les violences à l’encontre des personnes. S’agissant des violences alléguées à l’égard des biens, il ressort des pièces versées au dossier, ainsi que des éléments exposés à l’audience, que les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiative de désobéissance civile et de « désarmement » de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité ».

Le Conseil d’État doit encore se prononcer sur le fond de l’affaire. Ce qui n’enlève rien à l’importance de sa décision en matière de désobéissance civile et de respect des libertés d’association et d’expression.

Des articles détaillant le sujet peuvent être consultés ici :

  • https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/12/la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre-suspendue-un-revers-majeur-pour-gerald-darmanin_6185188_3224.html
  • https://www.rts.ch/info/monde/14233620-le-conseil-detat-francais-suspend-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre.html

Anaïs Savigny

Victoire au Parlement européen : le projet de loi sur la restauration de la nature a été adopté

« La première grande loi européenne sur la nature depuis trente ans » : c’est la qualification que le Commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, a donné à la loi sur la restauration de la nature, dont le projet a été adopté mercredi 12 juillet 2023 par les eurodéputés. 

Cette loi vise à imposer aux États membres de l’Union européenne des objectifs contraignants de restauration des terres et des espaces marins dégradés par la pollution et l’exploitation intensive. Il s’agit ainsi d’éviter l’effondrement des écosystèmes et la perte drastique de biodiversité dans les zones agricoles, ainsi que de prévenir les répercussions les plus graves du changement climatique. 

Afin d’atteindre ces objectifs, la Commission européenne souhaite restaurer 20% des terres et espaces marins d’ici 2030. Le projet de règlement impose dès lors des mesures contraignantes aux États-membres, telles que la suppression des obstacles présents sur les cours d’eau pour les rendre plus libres d’ici 2030. 

Parmi les autres mesures, on retrouve en particulier la réduction des pesticides, l’installation de haies, la restauration de zones humides ou encore des surfaces arborées minimales.

Un pas en avant vers la biodiversité qui ne fait toutefois pas l’unanimité, puisque les élus de droite et d’extrême droite s’opposent vivement à cette nouvelle législation qui menacerait selon eux la production « économique, industrielle, forestière et agricole en Europe ». 

Cette victoire laisse également un « goût amer » à certains élus écologistes. L’eurodéputée Caroline Roose relève ainsi que l’opposition de la droite au projet de loi a mené à l’adoption d’un texte moins contraignant que la version initialement proposée par la Commission européenne. 

Greenpeace, quant à elle, préfère voir la coupe à moitié pleine. L’ONG relève que le Parlement européen a voté en faveur d’objectifs juridiquement contraignants visant à restaurer les zones naturelles dégradées. Une première étape vers un renforcement des législations européennes susceptible d’étouffer le feu qui embrase notre planète ?

Des articles détaillant le sujet peuvent être consultés ici :

Anaïs Savigny

Rapport 2023 sur les tendances mondiales en matière de procès climatiques

Le Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment de la London School of Economics a publié son cinquième rapport annuel sur les tendances en matière de litiges environnementaux. Ce rapport fournit une synthèse claire et aisément compréhensible des analyses effectuées depuis mai 2022.

Les autrices Joana Setzer et Catherine Higham rapportent en particulier les points principaux suivants :

  • 190 nouveaux procès climatiques ont été portés devant des juridictions depuis l’année passée, portant le total de cas recensés à 2’341. Si la croissance des nouveaux cas tend à ralentir, la diversité des actions augmente quant à elle. Autre point positif : la majorité de ces procès climatiques ont un effet judiciaire direct pouvant être considéré comme favorable à la lutte contre le dérèglement climatique.
  • Plusieurs pays accueillent pour la première fois des procès climatiques, dont la Chine et la Russie. On peut y voir un signal important dans la mesure où ces deux États font partie des plus gros émetteurs de la planète.
  • Dans la lignée des chiffres de l’année précédente, de plus en plus de cas sont dirigés contre des entreprises. Dans environ 20% des cas concernés, ce sont des villes et des états américains qui ont introduit une action contre les grands pollueurs. Dans ce sens, nous avons par exemple évoqué sur notre site une action contre TotalEnergies à laquelle les villes de New York et de Paris se sont jointes.
  • Les actions visant des actes de greenwashing se sont multipliées. A cet égard, Avocat.e.s pour le Climat a notamment introduit pour le compte de l’Alliance climatique suisse une plainte contre la FIFA devant la Commission suisse pour la loyauté, à la suite de laquelle elle a été reconnue coupable de greenwashing. Plus récemment et dans le même sens, des associations européennes de consommateurs ont ouvert action contre des compagnies aériennes.
  • De manière plus large, la remise en cause des réponses des gouvernements et/ou des entreprises à la crise climatique s’est largement développée, y compris en dehors des États-Unis. Les procédures relatives à des décisions d’investissement et à leur compatibilité avec des objectifs climatiques tels que ceux fixés par l’Accord de Paris ont également augmenté.
  • Finalement, les activités à hautes émissions de gaz à effet de serre ont maintenant plus de chances d’être attaquées devant les tribunaux, et ce à tous les stades, de leur financement à l’approbation finale du projet.

Le rapport complet est disponible ici en anglais. Notre résumé du rapport de mai 2022 est quant à lui disponible sur notre site.

Un comté américain situé dans l’Oregon a déposé plainte contre de nombreuses entreprises en raison de leur rôle dans l’apparition d’un « dôme de chaleur »

Le comté de Multnomah dans l’Etat de l’Oregon a annoncé le dépôt d’une plainte contre plusieurs entreprises pétrolières, en particulier ExxonMobil, Shell ou BP, et exige le versement d’un montant supérieur à 50 milliards de dollars.

En cause, entre fin juin et mi-juillet 2021, un « dôme de chaleur » s’est abattu sur l’ouest des USA et du Canada. Les températures extrêmes (jusqu’à 49.6°C !) ont entraîné un nombre important de décès (estimés à 1’400) ainsi que le déploiement de mesures nécessaires pour contrer les effets de la chaleur, telles que la mise en place de « centres de refroidissement ».

La plainte du comté s’appuie sur une analyse scientifique démontrant que le changement climatique causé par l’Homme, et donc indirectement par les entreprises attraites, a rendu ce phénomène 150 fois plus probable.

Le comté exige en substance 50 millions de dollars à titre de dommages et intérêts, 1.5 milliard pour les « dégâts futurs » et 50 milliards à verser dans un fonds de réductions des impacts du changement climatique. Ce fonds servirait concrètement à mettre en place des infrastructures adaptées dans le comté.

Cette plainte vient s’ajouter à une vague de poursuites entamée en 2017 rapporte Ouest France. De nombreuses villes, comtés et Etats décident de porter plainte contre les plus gros acteurs du dérèglement climatique, les compagnies pétrolières en tête.

Pour l’heure, Ouest France relate que certaines entreprises concernées (contactées par l’AFP) nient toute responsabilité de leurs parts. Affaire à suivre…

L’article de Ouest France est disponible ici.

Le Montana assigné en justice pour violation du droit à un environnement propre et sain

La Tribune de Genève rapporte que le premier procès du pays lié au changement climatique s’est ouvert aux états-Unis. Une dizaine de jeunes ont engagé des poursuites à l’encontre de l’État du Montana, l’accusant de violer leur droit constitutionnel à « un environnement propre et sain ».

Les plaignants allèguent que les « effets dangereux des énergies fossiles et de la crise climatique » leur ont porté atteinte, dans la mesure où ils appartiennent à un groupe particulièrement vulnérable de la population. Certains d’entre eux ont témoigné de la manière dont les températures extrêmes, la sécheresse et les feux de forêt affectent leur mode de vie et de subsistance.

La plainte s’appuie sur un article de la constitution locale qui dispose que « l’État et tout un chacun doivent maintenir et améliorer un environnement propre et sain dans le Montana pour les générations présentes et futures ». Elle s’en prend également à la constitutionnalité d’une loi locale qui interdit à l’administration de tenir compte de impact sur le climat, au moment d’accorder ou non des permis à des entreprises de carburants fossiles.

Selon les propos de l’avocat des plaignants, rapportés par la Tribune de Genève, l’État du Montana a mené une politique énergétique ayant conduit à la libération annuelle de 166 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, ce qui équivaut aux émissions de pays comme l’Argentine, les Pays-Bas, ou encore le Pakistan, alors que le Montana ne compte qu’un peu plus d’un million d’habitants.

Suivant une rhétorique qui n’est pas inconnue dans le contexte suisse, le procureur général du Montana a quant à lui, a estimé que les émissions de l’État étaient « simplement trop minuscules » pour faire une quelconque différence. Il a ajouté que « le changement climatique est une question mondiale qui relègue dans les faits le rôle du Montana à celui de simple spectateur ».

Il convient enfin de noter que les plaignants se limitent à demander une déclaration écrite stipulant que leurs droits ont été enfreints. Le résultat de ce procès, qui cible à la fois l’industrie des énergies fossiles et les autorités, pourrait servir à étayer d’autres poursuites engagées à travers tout le pays.

L’article de la Tribune de Genève peut être consulté ici.

Fanny Dias

Vingt-deux associations européennes de consommateurs déposent plainte contre dix-sept compagnies­­ aériennes pour greenwashing.

De nombreux membres du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), dont l’importante association française UFC-Que choisir, ont annoncé déposer plainte contre des compagnies aériennes européennes. Lufthansa, Air France et Swiss sont notamment visées. Cette plainte a été introduite auprès de la Commission européenne sur la base du mécanisme d’alerte externe.

Ces associations reprochent en substance aux compagnies en question de verdir l’image de l’aviation, secteur pourtant particulièrement néfaste pour l’environnement, avec des procédés trompeurs et onéreux pour les consommateurs. Ceux-ci sont ainsi incités à payer un supplément significatif destiné à compenser les émissions de CO2 d’un vol ou de contribuer au développement de carburants d’aviation durables. Les avantages liés aux mécanismes de compensation sont pourtant largement remis en cause. Par ailleurs, les associations plaignantes, dont les propos sont notamment rapportés par la RTS et Le Parisien, rappellent que les carburants durables ne représenteront au mieux qu’une part mineure des réservoirs des avions et ne sont pas commercialisables en l’état.

La RTS cite également les représentants de Lufthansa, qui indiquent de manière toute générale que l’entreprise table sur une « modernisation accélérée de la flotte », une « optimisation continue des opérations aériennes » et « l’utilisation de carburants durables ».

L’article de la RTS est disponible ici, et celui du Parisien ici. Le communiqué de UFC-Que choisir est également disponible ici.

Cette plainte pour greenwashing n’est pas sans rappeler celle déposée contre la FIFA par Avocat.e.s pour le Climat pour le compte de l’Alliance climatique suisse. La FIFA a été reconnue coupable de Greenwashing­ par la Commission suisse pour la loyauté.