22 septembre 2022 | Internationales
Le 28 janvier 2020, cinq associations et quatorze collectivités françaises avaient actionné TotalEnergies en justice. Les plaignants reprochaient en substance à Total de ne pas respecter la loi française qui l’oblige à prévoir un plan de vigilance destiné à atténuer ses impacts sur l’environnement. Comme le rapporte Reuters, ce plan ne serait, selon les plaignants, pas suffisant pour remplir les obligations imposées par la loi.
Plus de deux ans et demi plus tard, le 21 septembre 2022, les villes de Paris et de New-York ont annoncé rejoindre les plaignants dans cette action en justice contre le groupe français. Ce sont les premières grandes villes rejoignant cette action climatique de grande envergure. Anne Hidalgo, la maire de Paris, déclare sans détour vouloir forcer Total à respecter l’Accord de Paris.
Dans le viseur de la coalition : un jugement similaire à celui obtenu aux Pays-Bas en 2021, dans lequel le Tribunal du district de La Haye a condamné Shell à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030. Le dénouement du procès contre Total est attendu en 2023.
L’article de Reuters est disponible ici (en anglais).
11 septembre 2022 | Internationales
ClientEarth a annoncé début septembre se joindre à la plainte pour greenwashing introduite par l’Environmental Defenders Office au nom du Plains Clan of the Wonnarua People (PCWP) et de la Lock the Gate Alliance auprès des organismes australiens de surveillance des entreprises.
Glencore affirme avoir un plan de décarbonisation réaliste dans le cadre de sa stratégie « net zéro ». Or, selon les plaignant·e·s, les tentatives actuelles de Glencore d’étendre sa présence en Australie, alors que le charbon représente l’énergie fossile la plus polluante, contribuent au dérèglement climatique et représentent un obstacle à la neutralité carbone. Partant, la plainte soutient que cette affirmation est incompatible avec les nouveaux projets australiens et trompe les invesstisseur·euse·s et le public.
Dans son communiqué, ClientEarth ajoute avoir demandé à la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni de coordonner une réponse réglementaire solide aux « promesses vertes » de Glencore, société cotée à la Bourse de Londres.
Si les autorités australiennes concluent que Glencore a agi en violation du droit, elles pourraient lui infliger une amende et l’enjoindre à ne pas réitérer de telles déclarations trompeuses à l’avenir. Sur le plan de la prévention générale, une telle décision aurait également pour effet de mettre en garde les multinationales du monde entier quant aux déclarations concernant la compatibilité de leurs objectifs avec le maintien du réchauffement climatique en deçà de 1,5 degré.
La plainte déposée contre Glencore est disponible ici.
Le communiqué de ClientEarth est disponible ici.
5 septembre 2022 | Internationales
Cet été, Austrian Airlines a lancé une campagne publicitaire : « Vol neutre en CO₂ vers la Biennale ? Aucun problème pour nous ». La compagnie aérienne autrichienne affirmait que cela était possible grâce à l’utilisation de 100% de carburants d’aviation durables (Sustainable Aviation Fuels).
Eric Stam, conférencier pour les professionnels de l’aviation à Rotterdam, aux Pays-Bas, a trouvé le message trompeur et a déposé une plainte auprès du Conseil autrichien de la publicité (Österriechischerr Werberat).
Cet organisme a jugé que la publicité en question trompait les consommateurs en leur faisant croire que le vol entre Vienne et Venise était neutre en CO2. En outre, il a estimé que cette publicité ne répondait pas aux normes du code d’éthique du secteur de la publicité.
Cette décision contient notamment les explications suivantes :
« La publicité qui concerne l’environnement doit être traitée avec une grande sensibilité, conformément au code éthique de la publicité autrichienne, afin d’éviter les idées erronées. A une époque où la population accorde une attention particulière à la durabilité et à la protection du climat, une communication transparente, claire et sensible est particulièrement nécessaire. Comme la publicité pourrait induire en erreur sur la neutralité climatique des vols, alors que cela n’est pas (encore) possible, nous recommandons une conception plus sensible et surtout une formulation plus précise de la publicité. » (traduction libre)
A la suite d’une demande du site internet « Simple Flying », la compagnie aérienne a indiqué avoir pris note de la décision du Conseil autrichien de la publicité de faire preuve de plus de sensibilité dans ses publicités à l’avenir, mais que le groupe Lufthansa – dont Austrian Airlines est l’une des filiales – propose aux clients de rendre leur voyage neutre en CO2 et leur fournit des informations détaillées à ce sujet lors du processus de réservation.
En Suisse, la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) est régulièrement saisie de plaintes en matière de publicité environnementale (Green Marketing). En mars 2022, une plainte contre la publicité « Viande Suisse: bien plus qu’une seule différence » de Pro Viande a été partiellement admise par la Première chambre de la CSL. Cette décision fait actuellement l’objet d’un recours par-devant le Plénum de la CSL.
La plainte et la décision concernant la publicité d’Austrian Airlines sont disponibles ici (en allemand).
L’article de Simple Flying est disponible ici (en anglais).
1 septembre 2022 | Internationales
Aloha Petroleum a ouvert une action en paiement contre son assurance, la National Union Fire Insurance Company, au début du mois d’août. Elle réclame le remboursement des frais de défense liés à une procédure climatique entreprise contre elle, aux côtés de ExxonMobil et Shell par des gouvernements locaux d’Hawaï qui leur reprochent de tromper le public quant aux conséquences du réchauffement climatique.
Le Guardian rapporte qu’Aloha a déjà engagé plus de USD 880’000.- de frais de défense et s’attend à ce qu’ils augmentent considérablement à mesure que le litige progressera. Sa compagnie d’assurance ne paiera pas.
Il s’agit de l’un des premiers litiges concernant l’étendue d’une couverture d’assurance aux coûts inhérents à un procès climatique.
La compagnie d’assurance justifie son refus par le fait que les litiges climatiques sont couverts par l’exclusion relative à la « pollution » contenue dans la police d’assurance responsabilité civile de ses clients.
Le Guardian rapporte encore que la raison pour laquelle ce genre de procès commence à voir le jour tient au fait que les entreprises polluantes subissent de plus en plus de pression procédurale de la part de victimes climatiques.
En suisse, Holcim est défenderesse dans le contexte d’une procédure civile en responsabilité civile entreprise par quatre victimes du réchauffement climatique. À n’en pas douter, Holcim va devoir consentir à d’importants frais de défense pour faire valoir ses droits. Si elle venait à demander une compensation à son assurance responsabilité civile, les tribunaux suisses devront peut-être se pencher sur la portée des clauses d’exclusions en matière de pollution contenues dans les conditions générales des assureurs.
L’article du Guardian est disponible ici.
30 août 2022 | Internationales
Un agriculteur péruvien nommé Luciano Lliuya a actionné l’entreprise allemande spécialisée dans l’énergie RWE AG au siège de cette dernière, à Essen en Allemagne. Luciano Lliuya réclame une participation aux coûts élevés des mesures de protection que le changement climatique a rendues nécessaires. Son but : que dans les décisions entrepreneuriales, les risques liés aux énergies fossiles soient reconsidérés.
Le Washington Post relate l’histoire d’un glacier péruvien dont la superficie ne cesse de se réduire, a contrario du lac créé par sa fonte. Ce lac ferait planer un danger élevé sur les dizaines de milliers d’habitants de la ville de Huaraz ;une étude démontre qu’une avalanche d’une intensité inhabituelle pourrait créer une vague devenant torrent au fur et à mesure de sa descente vers la ville. L’étude insiste sur le caractère destructeur de cette inondation.
Des travaux d’envergure seraient nécessaires pour éviter une grande partie des dangers. Problème : le gouvernement régional manque de fonds. De plus, le quotidien américain rapporte que plus de cinquante lacs seraient dans une situation potentiellement dangereuse dans la même région du Pérou. L’organisation Germanwatch ayant eu vent de ce cas a alors mis en place une stratégie juridique basée sur une plainte pour nuisance. Une telle action se fonde sur des études d’attribution, lesquelles tendent à déterminer dans quelle mesure un événement est la conséquence directe du réchauffement climatique.
Avec l’aide de Germanwatch, Luciano Lliuya, en tant que lésé par la fonte du glacier, a décidé d’actionner la société allemande, avec comme prétention 0.47% des coûts du projet de sécurisation du lac – soit la proportion des émissions mondiales depuis l’ère industrielle dont RWE est responsable.
Du procès qui est encore en cours, il y a un point fort à retenir selon le Washington Post : la cour d’appel a accepté d’entrer en matière et de procéder à la collecte des preuves, acceptant ainsi le principe d’une éventuelle responsabilité d’une entreprise pour un dommage ayant lieu à l’autre bout du monde. Le tribunal examine désormais si la propriété de Luciano Lliuya est réellement en danger, si cela peut être attribué au réchauffement climatique et, enfin, de quelle fraction de la pollution RWE est responsable.
Ainsi, avant même l’issue de cette procédure, l’on peut considérer qu’un précédent a été posé en Allemagne par une cour d’appel régionale concernant le principe de responsabilité d’une entreprise. Il nous faudra ainsi suivre le développement de ce procès, plus particulièrement encore s’il monte à la Bundesgerichtshof, la cour suprême allemande. L’admission du principe de responsabilité des entreprises allemandes polluantes pourrait alors ouvrir la voie à un grand nombre d’actions venant du monde entier.
En Suisse, la même question pourrait se poser avec des entreprises polluantes telles que Holcim et Lonza. Il serait fort intéressant de voir comment les juges apprécieraient la responsabilité des entreprises dans les dégâts causés par le réchauffement climatique. Une entreprise serait-elle tenue, en cas de responsabilité plurale comme celle liée au réchauffement climatique, de réparer l’ensemble du dommage, à charge pour elle de se retourner vers les autres pollueurs (cf. art. 50 CO) ?
L’article du Washington Post est disponible ici.
26 août 2022 | Internationales
Santos Ltd, un grand groupe producteur de gaz australien a été actionné en justice en 2021 pour greenwashing par l’Australian Centre for Corporate Responsibility (ACCR). Cette organisation reproche à Santos d’énoncer des objectifs climatiques basés sur des éléments spéculatifs.
Le Sidney Morning Herald rapporte, en substance, que Santos souhaite atteinte le zéro émission en 2040 grâce au stockage de CO2 lors de la production d’hydrogène. L’ACCR, qui a pu consulter des documents internes de Santos, doute cependant du caractère réalisable de cet objectif ; il nécessiterait un gaz bon marché (ce qui serait loin d’être certain), Santos compterait à double (à la production et à la consommation) ses réductions d’émissions et ne pourrait pas remplir autant que prévu les gazoducs d’hydrogène.
Ce procès, dont une audience est attendue pour 2023, pourrait servir de précédent en matière de greenwashing et de violation des lois protégeant les consommateurs. Plus généralement, il pourrait envoyer un message clair aux entreprises australiennes : les objectifs climatiques publiés doivent reposer sur de solides fondements.
Plus proche de chez nous, en France, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et ClientEarth ont également ouvert une action en justice pour greenwashing contre TotalEnergies.
L’article du Sidney Morning Herald est disponible ici.