28 septembre 2022 | Internationales
En 2019, des habitants des îles du Détroit de Torrès, particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, ont déposé une action contre l’Australie devant le Comité des droits de l’Homme de l’ONU. ClientEarth rapporte que ces habitants reprochent au gouvernement de ne pas avoir agi contre le réchauffement climatique, qui a causé, entre autres, de multiples inondations et l’érosion de la faune et la flore marine entourant l’île.
Cette inaction constituerait, aux yeux des demandeurs, une violation de leur droit à la vie, à la famille et à leur vie culturelle en tant que minorité ; autant de droits qui sont protégés par le Pacte de l’ONU sur les droits civils et politiques.
Le 23 septembre 2022, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a accepté cette requête. The Guardian rapporte que les griefs de droit à la famille et à la vie culturelle ont été retenus, mais pas celui concernant le droit à la vie. Cela a toutefois suffi pour que le Comité ordonne à l’Australie de compenser les dommages subis par le peuple des îles du Détroit de Torrès et d’agir pour protéger l’existence de ces communautés. ClientEarth insiste sur le caractère unique et important de ce procès qui est une première sur toute la ligne : première violation des droits humains par un pays en raison de son inaction climatique, première nation rendue responsable pour ses pollutions sous l’angle des lois sur les droits de l’Homme, et premier peuple indigène dont il est admis que le droit à la vie culturelle est mis en danger par le changement climatique. L’avocate de ClientEarth qui représentait ces habitants décrit ce procès comme une victoire historique, tant pour la justice climatique que pour les populations les plus vulnérables.
L’article de ClientEarth est disponible ici et celui de The Guardian ici.
25 septembre 2022 | Internationales
Dans la multitude de procès climatiques que le Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment du London School of Economics and Political Science avait répertoriés plus tôt cette année, des chercheurs de cette même institution ont analysé plus spécifiquement les procédures dans lesquelles des aspects d’une politique climatique globale gouvernementale sont remis en cause (procédures dites Framework litigation, terme qui renvoie au Framework legislation, utilisé pour décrire l’ensemble des lois liées à la politique climatique d’une région). L’objet de ces procédures est donc très large et ne se contente pas d’aborder un point problématique en particulier, mais bien l’ensemble de la politique des autorités locales.
Les 80 procès contre les politiques gouvernementales que recensent les chercheurs ont particulièrement lieu en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe. Nous pouvons toutefois citer l’Australie, le Pakistan, l’Inde ou le Brésil comme autres grands pays ayant connu ce type de procédure. Ces procédures ont généralement plusieurs points communs. Sur le fond, elles se réfèrent à un objectif d’augmentation maximal de la température basé sur l’Accord de Paris (+ 2°C) et se focalisent sur la production ainsi que la consommation d’énergies fossiles – plus rarement, sur la déforestation. Sur la forme, elles sont majoritairement portées par des individus et/ou des ONG, aidés financièrement par des crowdfunding ou des fondations philanthropiques, et accusent des gouvernements nationaux ou régionaux.
Plusieurs études tendent à montrer que les tribunaux peuvent jouer un rôle important tant dans le renforcement de politiques climatiques décidées que dans les ambitions gouvernementales en matière de protection du climat. En effet, bien que la proportion d’issus favorables au climat de ces procès soit faible en première instance (autour de 1/3), le taux augmente à 7/9 devant les cours suprêmes. Ces succès ont alors concrètement des impacts : le rapport cite trois cas aux Pays-Bas, en Allemagne et en Irlande où, à la suite d’un procès perdu par le gouvernement, ce dernier a mis en place de nouvelles politiques en matière de climat. Indirectement, les jugements auraient un second effet : celui d’encourager les gouvernements à agir, par peur de voir leur inaction sanctionnée. Le rapport montre à ce propos que, des actions climatiques contre une politique gouvernementale étant en cours, les autorités ont plusieurs fois légiféré en faveur du climat, alors même que lesdites actions ont finalement été rejetées. Toutefois, les chercheurs rappellent que le changement de politique causé par ces procès peut parfois servir aux entreprises très polluantes de demander des compensations en argent, pour violation des accords internationaux d’investissement.
Ainsi, de nombreux procès climatiques contre les politiques gouvernementales verront leur décision être rendue dans les prochaines années. Parallèlement, des actions contre les politiques cadres d’entreprises s’inspirent des stratégies utilisées contre les gouvernements, à l’exemple de l’affaire Milieudefensie et al. v. Royal Dutch Shell.
En Suisse, l’association « Aînées pour la protection du climat Suisse » a déposé une requête contre le gouvernement, qui n’aurait pas fixé d’objectifs climatiques conformes au droit international en matière de climat. Le DETEC n’y a cependant pas donné suite, ce qui a été validé par le Tribunal fédéral. Les Aînées pour la protection du climat Suisse ont adressé une requête à la CEDH, plus haute instance européenne, dont la Grande chambre s’est saisie de l’affaire.
Le rapport complet du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment de la London School of Economics and Political Science est disponible ici, et les points clés sont présentés ici.
22 septembre 2022 | Internationales
Le 28 janvier 2020, cinq associations et quatorze collectivités françaises avaient actionné TotalEnergies en justice. Les plaignants reprochaient en substance à Total de ne pas respecter la loi française qui l’oblige à prévoir un plan de vigilance destiné à atténuer ses impacts sur l’environnement. Comme le rapporte Reuters, ce plan ne serait, selon les plaignants, pas suffisant pour remplir les obligations imposées par la loi.
Plus de deux ans et demi plus tard, le 21 septembre 2022, les villes de Paris et de New-York ont annoncé rejoindre les plaignants dans cette action en justice contre le groupe français. Ce sont les premières grandes villes rejoignant cette action climatique de grande envergure. Anne Hidalgo, la maire de Paris, déclare sans détour vouloir forcer Total à respecter l’Accord de Paris.
Dans le viseur de la coalition : un jugement similaire à celui obtenu aux Pays-Bas en 2021, dans lequel le Tribunal du district de La Haye a condamné Shell à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030. Le dénouement du procès contre Total est attendu en 2023.
L’article de Reuters est disponible ici (en anglais).
11 septembre 2022 | Internationales
ClientEarth a annoncé début septembre se joindre à la plainte pour greenwashing introduite par l’Environmental Defenders Office au nom du Plains Clan of the Wonnarua People (PCWP) et de la Lock the Gate Alliance auprès des organismes australiens de surveillance des entreprises.
Glencore affirme avoir un plan de décarbonisation réaliste dans le cadre de sa stratégie « net zéro ». Or, selon les plaignant·e·s, les tentatives actuelles de Glencore d’étendre sa présence en Australie, alors que le charbon représente l’énergie fossile la plus polluante, contribuent au dérèglement climatique et représentent un obstacle à la neutralité carbone. Partant, la plainte soutient que cette affirmation est incompatible avec les nouveaux projets australiens et trompe les invesstisseur·euse·s et le public.
Dans son communiqué, ClientEarth ajoute avoir demandé à la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni de coordonner une réponse réglementaire solide aux « promesses vertes » de Glencore, société cotée à la Bourse de Londres.
Si les autorités australiennes concluent que Glencore a agi en violation du droit, elles pourraient lui infliger une amende et l’enjoindre à ne pas réitérer de telles déclarations trompeuses à l’avenir. Sur le plan de la prévention générale, une telle décision aurait également pour effet de mettre en garde les multinationales du monde entier quant aux déclarations concernant la compatibilité de leurs objectifs avec le maintien du réchauffement climatique en deçà de 1,5 degré.
La plainte déposée contre Glencore est disponible ici.
Le communiqué de ClientEarth est disponible ici.
5 septembre 2022 | Internationales
Cet été, Austrian Airlines a lancé une campagne publicitaire : « Vol neutre en CO₂ vers la Biennale ? Aucun problème pour nous ». La compagnie aérienne autrichienne affirmait que cela était possible grâce à l’utilisation de 100% de carburants d’aviation durables (Sustainable Aviation Fuels).
Eric Stam, conférencier pour les professionnels de l’aviation à Rotterdam, aux Pays-Bas, a trouvé le message trompeur et a déposé une plainte auprès du Conseil autrichien de la publicité (Österriechischerr Werberat).
Cet organisme a jugé que la publicité en question trompait les consommateurs en leur faisant croire que le vol entre Vienne et Venise était neutre en CO2. En outre, il a estimé que cette publicité ne répondait pas aux normes du code d’éthique du secteur de la publicité.
Cette décision contient notamment les explications suivantes :
« La publicité qui concerne l’environnement doit être traitée avec une grande sensibilité, conformément au code éthique de la publicité autrichienne, afin d’éviter les idées erronées. A une époque où la population accorde une attention particulière à la durabilité et à la protection du climat, une communication transparente, claire et sensible est particulièrement nécessaire. Comme la publicité pourrait induire en erreur sur la neutralité climatique des vols, alors que cela n’est pas (encore) possible, nous recommandons une conception plus sensible et surtout une formulation plus précise de la publicité. » (traduction libre)
A la suite d’une demande du site internet « Simple Flying », la compagnie aérienne a indiqué avoir pris note de la décision du Conseil autrichien de la publicité de faire preuve de plus de sensibilité dans ses publicités à l’avenir, mais que le groupe Lufthansa – dont Austrian Airlines est l’une des filiales – propose aux clients de rendre leur voyage neutre en CO2 et leur fournit des informations détaillées à ce sujet lors du processus de réservation.
En Suisse, la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) est régulièrement saisie de plaintes en matière de publicité environnementale (Green Marketing). En mars 2022, une plainte contre la publicité « Viande Suisse: bien plus qu’une seule différence » de Pro Viande a été partiellement admise par la Première chambre de la CSL. Cette décision fait actuellement l’objet d’un recours par-devant le Plénum de la CSL.
La plainte et la décision concernant la publicité d’Austrian Airlines sont disponibles ici (en allemand).
L’article de Simple Flying est disponible ici (en anglais).
1 septembre 2022 | Internationales
Aloha Petroleum a ouvert une action en paiement contre son assurance, la National Union Fire Insurance Company, au début du mois d’août. Elle réclame le remboursement des frais de défense liés à une procédure climatique entreprise contre elle, aux côtés de ExxonMobil et Shell par des gouvernements locaux d’Hawaï qui leur reprochent de tromper le public quant aux conséquences du réchauffement climatique.
Le Guardian rapporte qu’Aloha a déjà engagé plus de USD 880’000.- de frais de défense et s’attend à ce qu’ils augmentent considérablement à mesure que le litige progressera. Sa compagnie d’assurance ne paiera pas.
Il s’agit de l’un des premiers litiges concernant l’étendue d’une couverture d’assurance aux coûts inhérents à un procès climatique.
La compagnie d’assurance justifie son refus par le fait que les litiges climatiques sont couverts par l’exclusion relative à la « pollution » contenue dans la police d’assurance responsabilité civile de ses clients.
Le Guardian rapporte encore que la raison pour laquelle ce genre de procès commence à voir le jour tient au fait que les entreprises polluantes subissent de plus en plus de pression procédurale de la part de victimes climatiques.
En suisse, Holcim est défenderesse dans le contexte d’une procédure civile en responsabilité civile entreprise par quatre victimes du réchauffement climatique. À n’en pas douter, Holcim va devoir consentir à d’importants frais de défense pour faire valoir ses droits. Si elle venait à demander une compensation à son assurance responsabilité civile, les tribunaux suisses devront peut-être se pencher sur la portée des clauses d’exclusions en matière de pollution contenues dans les conditions générales des assureurs.
L’article du Guardian est disponible ici.