Les instances européennes cèdent et reportent l’entrée en vigueur d’un règlement contre la déforestation

Faisant suite aux pressions d’États tiers, la Commission européenne, le 2 octobre, a finalement proposé aux États membres de repousser l’entrée en vigueur du règlement de protection des forêts.

Ce règlement promulgué en 2023 a pour but d’interdire la commercialisation en Europe de produits issus de terres déboisées dès le 30 décembre 2024. Ainsi, les entreprises importatrices de produits étrangers tels que le cacao ou le café devront être en mesure de pouvoir prouver leur traçabilité.

Cette nouvelle législation avait provoqué de vives réponses d’États tiers tels que le Brésil, la Malaisie ou les États-Unis qui estimaient qu’un tel système restreignait l’accès au marché européen. Cette même législation divisait même les opinions au sein de l’Europe, l’Allemagne et les partis de droite protestant pour disposer de plus de temps pour se préparer au changement.

Ces divergences ont mené à la proposition du 2 octobre de la Commission européenne d’ajouter un délai supplémentaire de douze mois pour la mise en place progressive du système. Ainsi, la date d’application du règlement passera au 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et au 30 juin 2026 pour les petites et moyennes entreprises. Cette décision a pour but de permettre aux acteurs économiques, ainsi qu’aux États de s’organiser pour assurer le respect de leurs futures obligations réglementaires.

Le 16 octobre, le Conseil européen a approuvé ladite proposition. Ce nouveau positionnement de l’Union Européenne sur la question n’a pas manqué de susciter la colère des ONG actives pour le climat qui s’inquiètent pour le respect du Green Deal européen.

Ainsi, il ne reste plus qu’à attendre l’aval final du Parlement européen qui ne devrait plus tarder pour que l’application du règlement sur la déforestation soit officiellement repoussée

Sources :

https://www.liberation.fr/environnement/loi-anti-deforestation-lunion-europeenne-repousse-dun-an-son-entree-en-vigueur-20241002_W5JWZFOOLFHSZMZPCC5NRYBRVQ

https://www.touteleurope.eu/environnement/loi-anti-deforestation-l-ue-pourrait-reporter-d-un-an-son-application

L’autorité de surveillance financière anglaise lance sa première investigation liée à des questions climatiques… avec beaucoup de discrétion.

L’autorité de surveillance financière anglaise (FCA) a lancé sa première investigation liée à des questions climatiques, a révélé ClientEarth. En effet, la FCA a déclaré avoir un cas d’enforcement actif ouvert en juillet 2023. Elle s’est toutefois abstenue de préciser le type d’entreprise concernée ou le comportement reproché. Bien que l’on puisse se réjouir du fait qu’une autorité de surveillance se penche sur des comportements tels que le greenwashing, l’on regrette le véritable périple qu’a dû entreprendre l’ONG ClientEarth pour obtenir une telle information.

En effet, le processus de demande d’information auprès de l’autorité anglaise a été particulièrement ardu. Concrètement, ClientEarth a envoyé en septembre 2023 une première requête FOI (Freedom of Information), et a essuyé plusieurs retards et refus de la FCA avant de finalement obtenir une réponse en juin 2024. Cette réponse constitue tout de même un succès, relève ESG Investor, considérant que l’organisme de surveillance avait précédemment refusé de révéler les cas d’écoblanchiment ou les affaires liées au climat sur lesquels il enquêtait, et ce malgré ses obligations de transparence en tant qu’autorité publique. Face à ces restrictions du droit à l’information par la FCA, ClientEarth a décidé de porter l’affaire devant le commissaire à l’information britannique en avril 2024. L’enquête est encore en cours.

Comme le souligne ClientEarth, cet échange témoigne du retard du Royaume-Uni en matière d’enforcement. Pour Maître Megan Clay, avocate de ClientEarth, cette première investigation est indubitablement un progrès, bien qu’il reste insuffisant. En particulier, l’avocate souligne que le manque d’action de la FCA en matière de greenwashing a permis à plusieurs sociétés anglaises de faire des affirmations trompeuses concernant le climat, empêchant les investisseurs et les clients de faire des choix éclairés. Cette situation pourrait toutefois être améliorée grâce à une nouvelle loi anti-greenwashing entrée en vigueur en mai 2024 qui assure à la FCA une meilleure position pour agir en la matière.

Le communiqué de presse de ClientEarth peut être consulté ici et l’article de ESG Investor ici.

Alexandra Bonnafy

Suite à une catastrophe naturelle en 2017, la collectivité de Porto Rico intente un procès climatique et réclame un milliard de dollars aux compagnies pétrolières

Le 15 juillet 2024, la collectivité de Porto Rico a intenté un procès contre l’industrie pétrolière et gazière. Elle réclame à celle-ci au moins 1 milliard de dollars.

Élément particulièrement intéressant : il s’agit de la première action en dommages-intérêts faisant référence à un évènement météorologique spécifique, rapporte la Presse.

Cette requête repose sur des études scientifiques démontrant que le réchauffement climatique d’origine humaine a rendu les ouragans de 2017 plus violents, provoquant une intensification rapide de l’ouragan Maria qui a détruit une partie du pays.

Selon CLIMATEWIRE, cette action repose sur le fait que, malgré leur connaissance des impacts polluants de leurs produits sur l’île et de leur contribution au réchauffement des températures, Exxon Mobil, BP, Chevron et d’autres entreprises ont commercialisé et promu le pétrole et le gaz en utilisant des pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Notamment, ces entreprises n’auraient aucunement donné d’avertissements quant aux risques environnementaux liés à la combustion des combustibles fossiles.

D’après le Ministre de la Justice portoricain Domingo Emanuelli Hernández, « ces sociétés savent depuis des décennies que la pollution par les gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles a des effets néfastes sur le climat mondial et le niveau des mers ».

La Presse rapporte que Mme Sims, avocate à la tête de cette action en justice a allégué notamment que, depuis 1965, ces entreprises ont produit 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Les entreprises concernées sont toutefois loin d’admettre leur responsabilité dans la gravité des événements de 2017. En effet, selon la Presse, Shell estime que le tribunal ne serait pas le bon endroit pour aborder la question du changement climatique, mais qu’il faudrait plutôt une politique intelligente des gouvernements et une action de la part de tous les secteurs, qui permettrait de trouver des solutions et faire avancer les choses.

Lien vers l’article de la Presse ici.

Lien vers l’art. de CLIMATEWIRE ici.

Anaïs Savigny

Obligation pour Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre : le jugement en appel attendu cette année

En 2021, la Cour de la Haye a rendu un jugement historique contre Shell, en imposant à la compagnie pétrolière de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Mécontente de ce résultat, Shell a fait appel contre cette décision en 2022 ; les audiences d’appel ont eu lieu en avril dernier.  

En substance, Shell conteste ce jugement en arguant qu’il ne repose sur aucune base juridique et qu’il va trop loin. Comme le rapporte Yahoo, la société considère que les exigences de l’ordonnance représentent un risque pour son modèle d’affaires et pour la sécurité énergétique. Aussi, elle a refusé de la mettre en œuvre. Notamment, depuis le verdict, elle a décidé d’assouplir ses objectifs climatiques par rapport au jugement, notamment celui de réduction de carbone d’ici 2030 qui est passé de 45% à 15-20%. Elle a aussi approuvé vingt projets pétroliers et gaziers, relate Ouest France.

Les organisations environnementales qui vont à nouveau s’opposer à Shell sont toutefois confiantes quant à cet appel. Milieudefensie, qui avait porté l’affaire initiale jugée en 2021, a amené 650 éléments de preuve supplémentaires pour solidifier la base scientifique de leur motivation. Selon l’avocat du groupe, Roger Cox, cité par Yahoo, ces éléments permettront de convaincre à nouveaux les juges que Shell doit agir dans le respect des accords climatiques internationaux.

La décision de la Cour d’appel est attendue le 12 novembre 2024. Elle confirmera ou annulera l’ordonnance de 2021. De ce fait, elle sera déterminante pour les autres affaires climatiques, en particulier la manière d’appréhender la responsabilité des producteurs d’énergies fossiles.

L’article de Yahoo peut être consulté ici ; celui de Ouest France peut être consulté ici ; et la position de Milieudefensie peut être consultée ici.

Alexandra Bonnafy

Justice climatique : la Corée du Sud reconnait la violation des droits fondamentaux causée par l’insuffisance de l’action climatique étatique

Mettant fin à l’affaire Pivert et consorts contre la Corée du Sud, la Cour constitutionnelle sud-coréenne a reconnu le 28 août 2024 la violation des droits humains causée par l’inaction climatique de l’État post 2030.

Dans le cadre de sa politique de neutralité carbone, la Corée du Sud a adopté une série de réglementations. On y trouve notamment l’objectif de réduire de 40% ses émissions carbone d’ici 2030 par rapport à l’année 2018. Jugeant cela insuffisant, une multitude de plaignants, majoritairement des enfants de moins de 5 ans, se sont réunis pour déposer plainte en 2020. Ils invoquaient principalement la violation de leurs droits fondamentaux garantis par la Constitution sud-coréenne.

Essentiellement, les juges de la cour ont reconnu les objectifs placés jusqu’en 2030 conformes à la Constitution. Cependant, ils ont qualifié d’inconstitutionnelle l’absence de réglementation pour la période postérieure à 2030, notamment l’absence d’objectifs en termes de réduction carbone. Ainsi, par ce vide législatif, l’État manque de protéger les droits fondamentaux de ses citoyens. Pour combler cette lacune, la cour a imposé au législateur coréen un délai à fin février 2026 pour modifier sa réglementation afin d’y ajouter des objectifs carbones à plus long terme.

Il est intéressant de relever que la cour a basé son raisonnement juridique sur la reconnaissance d’un droit des générations futures à vivre une vie épargnée par la crise climatique. Selon les juges, ces générations ont non seulement un droit à pouvoir vivre dans un environnement qui ne soit pas dégradé, mais aussi un droit à éviter le poids d’éventuelles mesures drastiques résultant de l’inaction d’aujourd’hui. Ce raisonnement de la cour ne manque pas de faire écho à la sentence avant-gardiste rendue par la cour allemande dans l’affaire Neubauer en 2021. Selon le New York Times et le Guardian, il s’agit d’une première en Asie qui pourrait ouvrir la voie à des interprétations similaires dans les pays voisins.

Liens utiles:

https://www.nytimes.com/2024/08/29/world/asia/south-korea-climate-action-verdict-youth.html

https://www.theguardian.com/world/article/2024/aug/29/south-korea-court-climate-law-violates-rights-future-generations

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/08/29/en-coree-du-sud-la-justice-juge-les-objectifs-climatiques-de-seoul-insuffisants_6298382_3210.html

Justice climatique : des jeunes triomphent contre l’État du Montana pour la protection de l’environnement

Plus tôt cet été, nous apprenions que seize plaignants âgés de 5 à 22 ans assignait en justice le Montana pour avoir violé leur droit à un environnement propre et sain. Le 14 août 2024, la Cour suprême du Montana a rendu un verdict historique, en leur donnant gain de cause.

Par le biais de cette décision, la juge a annulé une clause légale qui interdisait à l’administration locale de prendre en compte les conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur le climat lors de l’attribution de permis à des entreprises exploitant des énergies fossiles.

En plus des effets concrets de l’abrogation d’une clause néfaste, la décision pourrait, d’après le Washington Post, « influencer la manière dont les juges traitent des affaires similaires ». Le journal souligne également que cette décision constitue un rare succès pour les défenseurs du climat qui ont essayé d’utiliser les tribunaux pour mettre un frein aux politiques gouvernementales et aux activités industrielles qui lèsent la planète.

Parallèlement, on constate que d’autres affaires climatiques s’accélèrent. Le Wall Street Journal rapporte à ce titre que dans l’Oregon, des plaignants ont été autorisés à déposer une plainte modifiée, et qu’à Hawaï, « des plaignants cherchant à obtenir une réparation similaire en vertu de la Constitution de cet État se préparent à un procès qui aura lieu à l’automne ».

Ce combat difficile a abouti, selon Julia Olson, directrice exécutive de l’association qui soutenait les plaignants citée par le Washington Post, à « une grande victoire pour le Montana, pour les jeunes, pour la démocratie et notre Climat ». Varshini Prakash, directrice du Sunrise Movement, qui réunit des jeunes engagés pour la cause estime quant à elle que cette décision a permis de prouver « que la génération Z est une force puissante dans la lutte contre le changement climatique ». Il faut toutefois relever que la bataille n’est pas terminée, l’Etat du Montana ayant déjà annoncé son intention de faire appel contre cette décision.

Notre résumé du lancement de l’action en justice peut être consulté ici.

L’article rédigé par le Wall Street Journal peut être consulté ici.

L’article rédigé par le Washington Post peut être consulté ici.

Anaïs Savigny