9 décembre 2024 | Internationales
Dans un communiqué de septembre 2024, la banque ING a annoncé un durcissement de sa politique de prêt concernant les nouveaux projets d’extraction et de production de carburants fossiles. Malgré ces nouvelles mesures, la banque reste dans le viseur des associations pour le climat, en particulier Milieudefensie, en raison de ses financements massifs dans les énergies non renouvelables. En 2023, ses prêts dans le secteur du pétrole et du gaz représentaient plus de 17 milliards d’euros, à tel point que l’ONG Milieudefensie indique que la seule banque émet, via ses financements, 1.5 fois plus de gaz à effet de serre que les Pays-Bas.
La nouvelle politique de prêt d’ING découle de son engagement pris en 2023 d’éliminer progressivement le financement de l’industrie pétrolière et gazière amont d’ici 2040. Le PDG de la banque, Steven van Rijswijk, a détaillé dans une interview accordée à Reuters les différentes mesures adoptées. La banque s’est notamment engagée à limiter son financement pour de nouveaux projets fossiles dès la publication du communiqué en septembre 2024 et, d’ici 2026, à cesser tout financement pour les sociétés refusant d’abandonner de tels projets.
Ces mesures, bien que présentées comme une avancée majeure par la banque, ne concernent toutefois qu’une partie restreinte des acteurs du secteur fossile. En effet, d’une part, la limitation du financement vise uniquement les sociétés pétrolières et gazières spécialisées dans l’exploration et la production d’énergie fossile (pure-play upstream). D’autre part, ces entreprises sont ciblées uniquement si elles prévoient d’ouvrir de nouveaux gisements, et non pas si elles se contentent de maintenir une exploitation déjà existante. Concrètement, cette mesure affecterait 25 clients d’ING, pour un total de 1 milliard d’euros de prêts, une goutte d’eau au regard de l’ensemble des financements de la banque, qui s’élèvent à 656 milliards d’euros.
Sans indiquer précisément sa stratégie, Milieudefensie annonce dans son communiqué « continuer à préparer [son] action climatique contre la banque ». A noter aussi que ce n’est pas la première fois qu’une ONG s’en prend aux annonces des grands acteurs de la finance : notamment, ClientEarth annonçait en octobre dernier attaquer en justice BlackRock et ses fausses promesses de fonds d’investissement « durables ».
L’article de Reuters peut être consulté ici, le communiqué d’ING sur ses avancées en matière de durabilité 2024 ici et la position de Milieudefensie sur ce communiqué ici.
Notre article sur l’action de ClientEarth contre BlackRock est à retrouver ici.
20 novembre 2024 | Internationales
Le 17 octobre 2024, l’ONG ClientEarth a déposé plainte auprès de l’autorité des marchés financiers française, l’AMF, contre le géant de l’investissement BlackRock, qu’elle accuse de greenwashing. Grâce à une analyse de l’ONG Reclaim Finance, ClientEarth a identifié 18 fonds d’investissement qui ont été qualifiés de « durables » par la société de gestion d’actifs mais qui financent en réalité des entreprises d’énergies fossiles telles que BP, TotalEnergies ou Shell à hauteur de 1 milliard de dollars.
BlackRock, leader mondial de l’investissement avec un portefeuille de 9 trillions de dollars, est aussi le deuxième plus grand investisseur institutionnel dans les énergies fossiles, avec près de 400 milliards de dollars de placements dans ce secteur. Selon Reclaim Finance, sur 121 fonds dits « durables », 72% sont exposés à l’expansion du secteur des énergies fossiles. La société de gestion d’actifs affirme de son côté que ses fonds respectent leurs objectifs d’investissement et la réglementation sur l’investissement durable en vigueur.
Megan Clay, avocate de ClientEarth, relève toutefois que cette qualification, en plus d’induire en erreur les investisseurs qui pensent investir dans des fonds durables, crée une distorsion de la concurrence sur le marché et détourne ces capitaux de produits effectivement durables. Grâce à cette plainte, ClientEarth souhaite clarifier la notion de « durabilité » dans le marketing des fonds d’investissement et espère que l’AMF imposera des pratiques plus strictes en matière de transparence et de protection des investisseurs. L’ONG a aussi invité BlackRock à adapter son marketing pour représenter correctement ses fonds ou à restructurer ses fonds « durables » pour qu’ils soient en adéquation avec leur commercialisation.
Le communiqué de presse de ClientEarth peut être consulté ici et le rapport de Reclaim Finance ici.
4 novembre 2024 | Internationales
Faisant suite aux pressions d’États tiers, la Commission européenne, le 2 octobre, a finalement proposé aux États membres de repousser l’entrée en vigueur du règlement de protection des forêts.
Ce règlement promulgué en 2023 a pour but d’interdire la commercialisation en Europe de produits issus de terres déboisées dès le 30 décembre 2024. Ainsi, les entreprises importatrices de produits étrangers tels que le cacao ou le café devront être en mesure de pouvoir prouver leur traçabilité.
Cette nouvelle législation avait provoqué de vives réponses d’États tiers tels que le Brésil, la Malaisie ou les États-Unis qui estimaient qu’un tel système restreignait l’accès au marché européen. Cette même législation divisait même les opinions au sein de l’Europe, l’Allemagne et les partis de droite protestant pour disposer de plus de temps pour se préparer au changement.
Ces divergences ont mené à la proposition du 2 octobre de la Commission européenne d’ajouter un délai supplémentaire de douze mois pour la mise en place progressive du système. Ainsi, la date d’application du règlement passera au 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et au 30 juin 2026 pour les petites et moyennes entreprises. Cette décision a pour but de permettre aux acteurs économiques, ainsi qu’aux États de s’organiser pour assurer le respect de leurs futures obligations réglementaires.
Le 16 octobre, le Conseil européen a approuvé ladite proposition. Ce nouveau positionnement de l’Union Européenne sur la question n’a pas manqué de susciter la colère des ONG actives pour le climat qui s’inquiètent pour le respect du Green Deal européen.
Ainsi, il ne reste plus qu’à attendre l’aval final du Parlement européen qui ne devrait plus tarder pour que l’application du règlement sur la déforestation soit officiellement repoussée
Sources :
https://www.liberation.fr/environnement/loi-anti-deforestation-lunion-europeenne-repousse-dun-an-son-entree-en-vigueur-20241002_W5JWZFOOLFHSZMZPCC5NRYBRVQ
https://www.touteleurope.eu/environnement/loi-anti-deforestation-l-ue-pourrait-reporter-d-un-an-son-application
19 octobre 2024 | Internationales
L’autorité de surveillance financière anglaise (FCA) a lancé sa première investigation liée à des questions climatiques, a révélé ClientEarth. En effet, la FCA a déclaré avoir un cas d’enforcement actif ouvert en juillet 2023. Elle s’est toutefois abstenue de préciser le type d’entreprise concernée ou le comportement reproché. Bien que l’on puisse se réjouir du fait qu’une autorité de surveillance se penche sur des comportements tels que le greenwashing, l’on regrette le véritable périple qu’a dû entreprendre l’ONG ClientEarth pour obtenir une telle information.
En effet, le processus de demande d’information auprès de l’autorité anglaise a été particulièrement ardu. Concrètement, ClientEarth a envoyé en septembre 2023 une première requête FOI (Freedom of Information), et a essuyé plusieurs retards et refus de la FCA avant de finalement obtenir une réponse en juin 2024. Cette réponse constitue tout de même un succès, relève ESG Investor, considérant que l’organisme de surveillance avait précédemment refusé de révéler les cas d’écoblanchiment ou les affaires liées au climat sur lesquels il enquêtait, et ce malgré ses obligations de transparence en tant qu’autorité publique. Face à ces restrictions du droit à l’information par la FCA, ClientEarth a décidé de porter l’affaire devant le commissaire à l’information britannique en avril 2024. L’enquête est encore en cours.
Comme le souligne ClientEarth, cet échange témoigne du retard du Royaume-Uni en matière d’enforcement. Pour Maître Megan Clay, avocate de ClientEarth, cette première investigation est indubitablement un progrès, bien qu’il reste insuffisant. En particulier, l’avocate souligne que le manque d’action de la FCA en matière de greenwashing a permis à plusieurs sociétés anglaises de faire des affirmations trompeuses concernant le climat, empêchant les investisseurs et les clients de faire des choix éclairés. Cette situation pourrait toutefois être améliorée grâce à une nouvelle loi anti-greenwashing entrée en vigueur en mai 2024 qui assure à la FCA une meilleure position pour agir en la matière.
Le communiqué de presse de ClientEarth peut être consulté ici et l’article de ESG Investor ici.
Alexandra Bonnafy
18 octobre 2024 | Internationales
Le 15 juillet 2024, la collectivité de Porto Rico a intenté un procès contre l’industrie pétrolière et gazière. Elle réclame à celle-ci au moins 1 milliard de dollars.
Élément particulièrement intéressant : il s’agit de la première action en dommages-intérêts faisant référence à un évènement météorologique spécifique, rapporte la Presse.
Cette requête repose sur des études scientifiques démontrant que le réchauffement climatique d’origine humaine a rendu les ouragans de 2017 plus violents, provoquant une intensification rapide de l’ouragan Maria qui a détruit une partie du pays.
Selon CLIMATEWIRE, cette action repose sur le fait que, malgré leur connaissance des impacts polluants de leurs produits sur l’île et de leur contribution au réchauffement des températures, Exxon Mobil, BP, Chevron et d’autres entreprises ont commercialisé et promu le pétrole et le gaz en utilisant des pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Notamment, ces entreprises n’auraient aucunement donné d’avertissements quant aux risques environnementaux liés à la combustion des combustibles fossiles.
D’après le Ministre de la Justice portoricain Domingo Emanuelli Hernández, « ces sociétés savent depuis des décennies que la pollution par les gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles a des effets néfastes sur le climat mondial et le niveau des mers ».
La Presse rapporte que Mme Sims, avocate à la tête de cette action en justice a allégué notamment que, depuis 1965, ces entreprises ont produit 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les entreprises concernées sont toutefois loin d’admettre leur responsabilité dans la gravité des événements de 2017. En effet, selon la Presse, Shell estime que le tribunal ne serait pas le bon endroit pour aborder la question du changement climatique, mais qu’il faudrait plutôt une politique intelligente des gouvernements et une action de la part de tous les secteurs, qui permettrait de trouver des solutions et faire avancer les choses.
Lien vers l’article de la Presse ici.
Lien vers l’art. de CLIMATEWIRE ici.
Anaïs Savigny
9 octobre 2024 | Internationales
En 2021, la Cour de la Haye a rendu un jugement historique contre Shell, en imposant à la compagnie pétrolière de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Mécontente de ce résultat, Shell a fait appel contre cette décision en 2022 ; les audiences d’appel ont eu lieu en avril dernier.
En substance, Shell conteste ce jugement en arguant qu’il ne repose sur aucune base juridique et qu’il va trop loin. Comme le rapporte Yahoo, la société considère que les exigences de l’ordonnance représentent un risque pour son modèle d’affaires et pour la sécurité énergétique. Aussi, elle a refusé de la mettre en œuvre. Notamment, depuis le verdict, elle a décidé d’assouplir ses objectifs climatiques par rapport au jugement, notamment celui de réduction de carbone d’ici 2030 qui est passé de 45% à 15-20%. Elle a aussi approuvé vingt projets pétroliers et gaziers, relate Ouest France.
Les organisations environnementales qui vont à nouveau s’opposer à Shell sont toutefois confiantes quant à cet appel. Milieudefensie, qui avait porté l’affaire initiale jugée en 2021, a amené 650 éléments de preuve supplémentaires pour solidifier la base scientifique de leur motivation. Selon l’avocat du groupe, Roger Cox, cité par Yahoo, ces éléments permettront de convaincre à nouveaux les juges que Shell doit agir dans le respect des accords climatiques internationaux.
La décision de la Cour d’appel est attendue le 12 novembre 2024. Elle confirmera ou annulera l’ordonnance de 2021. De ce fait, elle sera déterminante pour les autres affaires climatiques, en particulier la manière d’appréhender la responsabilité des producteurs d’énergies fossiles.
L’article de Yahoo peut être consulté ici ; celui de Ouest France peut être consulté ici ; et la position de Milieudefensie peut être consultée ici.
Alexandra Bonnafy