La Cour européenne des droits de l’homme précise les obligations procédurales des États en matière de climat

Le 28 octobre 2025, la deuxième section de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu à l’unanimité son arrêt dans l’affaire Greenpeace Nordic et autres c. Norvège. Le recours visait la décision des autorités norvégiennes de 2016 ayant accordé dix licences d’exploration pétrolière dans la mer de Barents. Les requérants – six personnes physiques (dont trois appartenant au peuple autochtone sámi) ainsi que les organisations environnementales Greenpeace Nordic et Young Friends of the Earth Norway – soutenaient que l’octroi de ces licences violait les obligations de la Norvège en matière de protection du climat et portait atteinte à leur droit à la vie (art. 2 CEDH) ainsi qu’à leur droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH). Ils invoquaient également une violation des articles 13 et 14 de la Convention.

À la suite d’une analyse de droit comparé approfondie, au cours de laquelle la CEDH a notamment pris en considération différents avis consultatifs émanant, entre autres, du Tribunal international du droit de la mer, de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de la Cour internationale de justice, elle a d’abord précisé que l’objet du litige devait être compris de manière étroite : il s’agissait d’« une procédure décisionnelle prétendument défectueuse lors d’un cycle particulier d’octroi de licences d’exploration pétrolière », puisque c’était là le seul objet du contentieux au niveau national [§ 282]. L’affaire portait donc sur les obligations procédurales de l’État et non sur sa politique climatique substantielle – contrairement à l’affaire KlimaSeniorinnen [§ 283]. La Cour a examiné la requête exclusivement sous l’angle de l’article 8 de la Convention, excluant un examen séparé de l’article 2 [§ 284].

Dans l’examen de la recevabilité, la Cour a appliqué les critères développés dans l’arrêt Verein KlimaSeniorinnen Suisse et autres c. Suisse [§§ 286-288, 290]. Les six requérants individuels n’ont pas rempli les conditions strictes relatives au statut de victime : leur atteinte personnelle n’atteignait pas le degré d’« intensité élevée » exigé, et les troubles psychologiques tels que l’éco-anxiété ou la détresse climatique, bien que pris au sérieux par la Cour, n’étaient pas étayés par des rapports médicaux ; l’effet négatif sur la santé mentale n’a donc pas été considéré comme suffisamment prouvé [§§ 303-305]. En revanche, la CEDH a reconnu la qualité pour agir représentative des deux organisations environnementales. Celles-ci étaient légalement constituées, œuvraient pour la protection des droits climatiques et environnementaux et étaient représentatives des groupes concernés. La Cour les a qualifiées de « moyen collectif de défense des droits et des intérêts des individus face aux menaces du changement climatique » [§§ 308-310].

Sur le fond, la CEDH a confirmé que l’article 8 de la Convention oblige les États à protéger efficacement les personnes contre les conséquences graves du changement climatique sur leur vie, leur santé et leur qualité de vie, en mettant en place un cadre juridique et administratif approprié [§ 314]. Si les États disposent d’une large marge d’appréciation quant au choix des moyens à atteindre les objectifs, la protection du climat doit néanmoins conserver un poids considérable dans la mise en balance des intérêts, dès lors que : les émissions de gaz à effet de serre ont un impact mondial, que les États n’ont jusqu’à présent pas agi de manière adéquate face aux risques, et que, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il ne reste qu’une « rapidly closing window of opportunity » pour éviter des effets climatiques dangereux [§§ 315-316]. La distinction établie dans l’arrêt KlimaSeniorinnen (notamment au § 543) entre la marge d’appréciation quant au choix des moyens et celle, plus réduite, quant à la fixation des objectifs climatiques, n’a toutefois été reprise qu’en partie par la Cour ; ce dernier aspect n’a pas été développé, alors que l’autorisation de l’exploration pétrolière a évidemment une influence sur l’atteinte des objectifs climatiques, en particulier l’objectif de 1,5 °C.

La Cour a ensuite précisé la manière dont l’article 8 CEDH doit être appliqué sur le plan procédural. Elle a indiqué que, avant d’autoriser une activité susceptible de contribuer de manière significative au changement climatique, les États doivent mener une évaluation d’impact environnemental opportune, complète et fondée sur les connaissances scientifiques disponibles [§ 318]. Celle-ci doit notamment quantifier les émissions attendues de gaz à effet de serre, y compris les émissions indirectes (« downstream emissions », scope 3) issues de la combustion ultérieure, examiner la compatibilité de l’activité avec les engagements climatiques nationaux et internationaux, et garantir une consultation publique informée, organisée à un moment où toutes les options restent ouvertes et où la pollution peut encore raisonnablement être évitée [§ 319]. Bien que cela constitue une évolution importante de la jurisprudence de la Cour, certains ont critiqué l’accent mis exclusivement sur les aspects procéduraux (voir ici et ici).

Appliquant ces principes au cas norvégien, la Cour a constaté que l’évaluation environnementale stratégique (SEA) de 2016 était incomplète, dans la mesure où elle n’avait pas pris en compte les émissions de combustion [§ 330]. Elle a toutefois conclu à l’absence de violation de l’article 8, le droit norvégien prévoyant une procédure à plusieurs niveaux répondant aux exigences des droits humains : premièrement, l’octroi d’une licence d’exploration ne confère aucun droit automatique d’exploitation [§ 331] ; deuxièmement, avant toute extraction, un « Plan for Development and Operation » (PDO) doit être approuvé, comprenant une évaluation environnementale complète des effets climatiques et une participation du public [§§ 332-334] ; troisièmement, les personnes et organisations concernées disposent d’un accès à l’information environnementale et peuvent participer à la procédure de décision au stade du PDO, qui fait en outre l’objet d’un contrôle administratif et juridictionnel avant tout début d’exploitation [§§ 333-334, 336].

Selon la CEDH, le système norvégien dans son ensemble satisfait donc aux exigences procédurales de l’article 8, même si l’examen effectué lors de la phase d’octroi des licences était incomplet [§§ 336-337]. La Cour n’a relevé aucun signe de mauvaise foi de la part des autorités norvégiennes ni de défaillances structurelles empêchant une correction ultérieure – d’autant plus que, conformément à la législation, toute évaluation d’impact doit se fonder sur des informations pertinentes, actuelles et suffisantes. En outre, la directive sur l’évaluation d’impact environnemental impose de tenir compte des émissions cumulées de gaz à effet de serre de l’ensemble de ces projets – ce qui ne peut être fait qu’à un niveau global et non projet par projet.

Les autres griefs ont également été rejetés. Le recours fondé sur l’article 14 (discrimination) a été déclaré irrecevable, faute d’avoir été soulevé devant les juridictions nationales [§ 351]. Quant à la violation alléguée de l’article 13 (droit à un recours effectif), elle a été jugée manifestement infondée : les juridictions norvégiennes avaient examiné de manière suffisante les arguments avancés, et leurs pouvoirs de contrôle n’étaient pas limités [§§ 363, 366].

Par cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme précise la jurisprudence issue de l’affaire KlimaSeniorinnen. L’arrêt Greenpeace Nordic et autres c. Norvège souligne l’importance de procédures climatiques effectives, transparentes et participatives, tout en montrant que la Cour ne remet en cause les politiques climatiques nationales que lorsque ces procédures sont insuffisantes. Cette décision renforce ainsi le socle procédural de la protection du climat dans le cadre de la CEDH et illustre la retenue de la Cour à intervenir dans la mise en balance politique entre les intérêts climatiques et économiques des États membres.

Vous trouverez le jugement en anglais ici, et le résumé officiel en anglais ici. Pour plus d’informations, voir ici et ici.

Alexandra Glarner

La Cour internationale de Justice publie un avis consultatif historique sur les obligations des États en matière de changement climatique

Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu public son avis consultatif sur les obligations des États au regard du droit international en matière de changement climatique. Cette procédure avait été initiée par une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 29 mars 2023 à l’initiative de l’État insulaire de Vanuatu. La phase écrite et les audiences publiques, tenues en décembre 2024, ont enregistré un niveau de participation sans précédent de la part des États et des organisations internationales. L’avis a été adopté à l’unanimité par l’ensemble des juges.

L’avis repose sur deux questions générales posées par l’Assemblée générale dans sa résolution. Résumées, elles portent sur : d’une part, les obligations juridiques des États en matière de protection du système climatique, et d’autre part, les conséquences juridiques auxquelles s’exposent les États ayant causé des préjudices graves au climat et à d’autres composantes de l’environnement.

Cet avis a été salué comme une avancée majeure pour la protection du climat par les expert·e·s, les juristes ayant participé à la procédure ainsi que par les représentantes des étudiant·e·s à l’origine de la résolution. Il reconnaît en effet le changement climatique comme un problème existentiel de portée planetaire d’origine anthropique, menaçant toutes les formes de vie sur Terre [n° 456]1, et consacre des obligations juridiques claires à la charge des États pour y faire face. Il se distingue également par sa portée étendue et sa capacité à trancher de nombreuses questions jusque-là controversées. Bien que l’avis ne soit pas juridiquement contraignant, il constitue une référence majeure en matière d’interprétation du droit international par la plus haute instance judiciaire. Il influencera très probablement la jurisprudence des juridictions nationales et internationales et s’imposera comme un fondement essentiel pour les contentieux climatiques futurs. L’avis renforce notamment l’argument selon lequel les États qui ne prennent pas de mesures crédibles en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 manquent à leurs obligations internationales. Il pourrait également avoir des répercussions sur les choix législatifs futurs ainsi que sur le comportement des États sur la scène internationale, jouant ainsi un rôle central dans l’évolution et l’application du droit international.

Les éléments suivants de l’avis consultatif sont centraux : la Cour a constaté que l’objectif de 1,5 °C énoncé dans l’Accord de Paris constitue le principal objectif de température à atteindre [n° 224]. Selon la CIJ, les parties à cet accord ont l’obligation d’exercer une diligence raisonnable dans l’élaboration de leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) et de veiller à ce qu’elles atteignent collectivement l’objectif susmentionné [n° 245], et ce en dépit de l’argument avancé par certains États selon lequel le contenu des CDN relèverait entièrement de leur appréciation souveraine. La Cour a en outre précisé que le non-respect, par un État, de ses obligations en matière de réduction des émissions peut constituer un fait internationalement illicite [n° 221], entraînant l’application du droit de la responsabilité des États et, par conséquent, l’ouverture d’un droit à réparation — sous forme de restitution, d’indemnisation ou de satisfaction — au profit des États affectés par les effets néfastes du changement climatique [n° 444–455]. Cette réparation peut inclure la reconstruction d’infrastructures, la restauration d’écosystèmes ou l’octroi d’indemnisations financières [n° 451–454].

La CIJ souligne également que les obligations climatiques ont un caractère erga omnes, c’est-à-dire qu’elles s’imposent vis-à-vis de l’ensemble de la communauté internationale [n° 440]. Ainsi, la voie est ouverte à des recours interétatiques, y compris contre des États fortement émetteurs, en tenant compte des émissions historiques [n° 429]. La Cour rejette l’argument selon lequel la responsabilité d’un acteur individuel ne pourrait être établie en raison du caractère diffus des contributions au changement climatique : il est scientifiquement possible d’identifier la part de chaque État dans les émissions globales [n° 429]. Dès lors, même en présence d’une pluralité de responsables, chaque État peut être tenu pour responsable de sa contribution propre [n° 431]. S’agissant du lien de causalité, la Cour se réfère aux connaissances scientifiques disponibles, tout en soulignant que l’attribution du dommage à un État donné doit être évaluée in concreto [n° 437].2

L’un des principaux arguments invoqués par les États fortement émetteurs – selon lequel seuls certains instruments spécifiques créeraient des obligations contraignantes – a également été écarté. La Cour affirme que tous les États sont soumis à des obligations en matière de réduction des émissions, découlant non seulement de la CCNUCC, du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris (que la CIJ considère comme complémentaires), mais également d’autres sources telles que le droit international des droits humains, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le droit coutumier et d’autres traités pertinents [n° 172].3 Ainsi, l’argument du lex specialis, selon lequel seul le droit conventionnel relatif au climat serait applicable à l’exclusion d’autres normes, est expressément rejeté [n° 162–171]. De plus, la sortie d’un État de l’Accord de Paris ne le libère pas de ses responsabilités internationales : la Cour précise que les États, tels que les États-Unis, ayant quitté l’Accord, demeurent tenus de réduire leurs émissions en vertu du droit coutumier [n° 315].

La responsabilité potentielle de pays comme la Chine ou l’Inde est également évoquée : la Cour rappelle que la distinction entre pays en développement et pays développés – qui détermine l’ampleur des obligations selon le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives – n’est pas figée. Elle doit s’apprécier au regard de la situation actuelle de chaque État. En conséquence, des États fortement émetteurs comme ceux mentionnés ne peuvent pas automatiquement se prévaloir d’un statut dérogatoire [n° 226]. Par ailleurs, les États disposant de capacités économiques et techniques accrues sont soumis à une obligation de diligence renforcée [n° 292].

L’avis énonce également que le droit à un environnement propre, sain et durable constitue une condition essentielle à la réalisation des autres droits humains et doit, en tant que tel, être reconnu comme fondamental du point de vue du droit international [n° 393]. La Cour reconnaît par ailleurs que le changement climatique peut compromettre plusieurs droits fondamentaux, notamment le droit à la vie [n° 377].

Il convient également de noter que l’inaction d’un État en matière de protection du système climatique contre les émissions de gaz à effet de serre – notamment lorsqu’il favorise l’exploitation des combustibles fossiles, leur consommation, accorde des licences d’exploration ou des subventions – peut constituer un fait internationalement illicite lui étant imputable [n° 427]. La responsabilité de l’État peut également être engagée en cas de manquement à son devoir de diligence consistant à adopter les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour limiter les émissions des acteurs privés relevant de sa juridiction [n° 428].

Enfin, les petits États insulaires ainsi que d’autres pays menacés par la montée du niveau de la mer ont obtenu une reconnaissance importante : la Cour affirme que les États dont le territoire serait entièrement submergé conservent leur pleine personnalité juridique internationale ainsi que leurs frontières maritimes, même en cas de déplacement permanent de leur population [n° 363]. Elle précise également que le principe de non-refoulement s’applique au-delà des frontières aux personnes déplacées en raison du changement climatique [n° 378].

L’avis consultatif pourrait être suivi d’une nouvelle résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies appelant à sa mise en œuvre. Il est hautement probable qu’il jouera un rôle déterminant dans de nombreuses procédures judiciaires à venir, en étant invoqué aux côtés d’autres décisions récentes traitant des obligations internationales des États en matière climatique – notamment l’avis du Tribunal international du droit de la mer, celui de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, ou encore l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Association KlimaSeniorinnen Suisse et autres c. Suisse.

L’avis consultatif est accessible ici, le résumé officiel ici. Pour plus d’informations voir ici et ici.

Alexandra Glarner

  1. La CIJ s’appuie principalement sur les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), lesquels constituent, selon les États et organisations ayant participé à la procédure, les meilleures connaissances scientifiques disponibles sur le changement climatique [n° 74]. ↩︎
  2. Dans ce contexte, une approche en deux étapes s’impose : il convient tout d’abord de déterminer si un événement ou une tendance climatique peut être attribué au changement climatique. Ensuite, il faut établir dans quelle mesure le dommage peut être imputé à un État donné ou à un groupe d’États [n° 437]. ↩︎
  3. Pour l’interprétation et l’application du droit, la Cour s’est référée à plusieurs principes, notamment celui du développement durable, des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, de l’équité, de la justice intergénérationnelle ainsi qu’au principe de précaution [n° 172]. ↩︎

Économie et climat : le PIB mondial pourrait chuter de 50 % d’ici 2090 à cause du réchauffement climatique

L‘Institute and Faculty of Actuaries (IFoA), une association britannique d’experts en évaluation des risques, alerte sur l’ampleur des conséquences économiques du réchauffement climatique. Selon une analyse prenant en compte des phénomènes climatiques extrêmes tels que les incendies, les inondations ou les sécheresses, les impacts économiques pourraient être bien plus graves que ceux estimés jusqu’à présent. Dans un rapport récent, l’IFoA prévoit une perte pouvant atteindre 50 % du PIB mondial entre 2070 et 2090 si aucune action politique globale n’est prise rapidement pour limiter les dégâts climatiques et restaurer la nature.

Dans un scénario où la température augmenterait de 3 °C d’ici 2050, le rapport anticipe non seulement des conséquences économiques majeures, mais aussi des événements catastrophiques : une mortalité massive, des faillites d’États et une rupture sociopolitique majeure. L’auteur principal du rapport, Sandy Trust, souligne qu’il n’existe actuellement aucun plan réaliste pour éviter ce scénario. Il critique les prévisions économiques actuelles qui estiment que les dégâts d’un réchauffement de 3 °C ne coûteraient que 2 % du PIB mondial.

Les méthodes actuelles d’évaluation des risques liés au changement climatique sous-estiment l’ampleur de l’impact économique, car elles excluent souvent de nombreux risques graves, notamment les « points de basculement » (tipping points), et ne reconnaissent pas l’existence d’un risque de ruine. Selon Sandy Trust, ces évaluations erronées ne permettent pas aux dirigeants de prendre conscience de la gravité des risques et les empêchent ainsi de prendre des décisions éclairées pour leurs politiques.

Le rapport appelle à un changement radical de paradigme économique : les responsables politiques doivent adopter des stratégies réalistes et efficaces pour gérer les risques climatiques à l’échelle mondiale. Il propose notamment une approche basée sur la « solvabilité planétaire », qui inclut plusieurs mesures visant à assurer une économie prospère tout en respectant les limites des ressources planétaires.

L’article du Guardian peut être consulté ici et le rapport de l’IFoA ici.

Alexandra Bonnafy

Des ONG portent plainte à la Commission Européenne dénonçant la faiblesse des plans nationaux énergie-climat des États membres

En novembre dernier, une coalition d’ONG a déposé des plaintes coordonnées à la Commission Européenne, demandant à celle-ci d’engager des poursuites judiciaires contre cinq de ses États-membres.

Ces ONG attaquent les Plans nationaux intégrés énergie-climat (ci-après : Pnecs) élaborés par l’Allemagne, la France, l’Irlande, l’Italie et la Suède au motif qu’ils ne seraient pas conformes aux objectifs européens concernant la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans le cadre de son Green Deal , la Commission Européenne a adopté le Règlement 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat qui, essentiellement, impose aux États-membres une obligation d’élaborer des Pnecs. Seuls 14 États-membres sur 27 ont respecté le délai au 30 juin 2024, imposé par la Commission, pour les déposer.

Parmi ceux déposer, les cinq Pnecs visés par les plaintes qui, selon la plainte déposée par la coalition d’ONG, compromettraient les objectifs climatiques de l’Union Européenne, ainsi que la juste transition équitable promise aux citoyens. Pour soutenir leur plaintes, les ONG s’appuient sur diverses preuves qui démontreraient l’insuffisance des mesures prévues pour faire face aux engagements promis. De grosse lacunes seraient à déplorer en matière de transformation du secteur des transports et des bâtiments, ainsi qu’en matière d’énergies renouvelables. Globalement, les objectifs instaurés dans les Pnecs sont bien en-dessous des objectifs voulus par Bruxelles. De plus, selon Réseau Action Climat, les Pnecs ne proposent des améliorations que très marginales comparées aux plans qui avaient été déposés en 2019. La coalition pointe également du doigt l’absence de participation du public dans l’élaboration des Pnecs, notamment l’absence de consultations.

La Commission Européenne a un délai d’un an pour se pencher sur la question et décider si elle souhaite entamer ou non une procédure judiciaire pour violation, par ces États membres, de leurs obligations communautaires.

Sources :

https://reporterre.net/Une-coalition-d-ONG-porte-plainte-contre-les-plans-climat-de-pays-europeens

https://notreaffaireatous.org/notre-affaire-a-tous-exhorte-la-commission-europeenne-a-poursuivre-la-france-pour-obtenir-une-transition-climatique-juste

Des personnes souffrant d’asthme intentent une action en justice contre le gouvernement polonais en raison des effets de la pollution atmosphérique sur la santé

En novembre 2024, l’organisation environnementale ClientEarth a annoncé représenter deux citoyens polonais atteints d’asthme, qui poursuivent leur gouvernement en justice pour son inaction face à la pollution de l’air. En substance, les plaignants soutiennent que l’inaction de l’État face au smog a détérioré leur santé, constituant ainsi une violation de leurs droits fondamentaux, notamment leur droit à la santé.

Un des plaignants, Andrzej, déclare « Chaque hiver est un cauchemar. Sans médicament, je ne peux pas respirer. Le smog n’est pas un problème lointain – c’est un poison invisible qui me piège à l’intérieur de chez moi pendant des semaines. »

Selon ClientEarth, l’Air Quality Life Index révèle que la mauvaise qualité de l’air peut réduire l’espérance de vie en Pologne de jusqu’à deux ans dans les régions fortement polluées, comme Rybnik, par rapport aux normes de l’OMS. À Toruń, cette réduction atteint environ dix mois.

De par leur action, les deux plaignants espèrent obtenir les résultats suivants :

  • La protection de leurs droits fondamentaux, y compris le droit à la santé, à vivre dans un environnement propre et sain et à respirer un air qui ne soit pas nuisible à leur santé.
  • Le droit de vivre dans un environnement propre, reconnu par l’ONU comme un droit humain, devrait également être respecté en Pologne ;
  • Une compensation financière pour les préjudices liés à la détérioration de leur santé ;
  • Une compensation financière pour les frais médicaux et les dépenses liés aux maladies causées par la pollution de l’air.

Avec cette affaire, ClienthEarth souhaite mettre en évidence la responsabilité de l’État pour son manque d’action efficace contre le smog et les conséquences sanitaires – déjà actuelles – de cette inaction. L’organisation espère également que le jugement rendu sera non seulement un incitatif juridique, mais aussi un incitatif financier pour accélérer la lutte contre la pollution de l’air.

L’article de ClientEarth est disponible ici.

Anaïs Savigny

« Big Oil » face à la justice climatique : une tendance mondiale en plein essor

En septembre dernier, les associations Oil Change International et Zero Carbon Analytics ont publié Big Oil in Court, un rapport retraçant l’évolution des procès climatiques contre les entreprises fossiles. Depuis l’Accord de Paris en 2015, le nombre de ces litiges a triplé chaque année, traduisant un effort global pour tenir les géants de l’énergie fossile responsables du dérèglement climatique. En effet, ces derniers sont à l’origine de 69 % des émissions humaines de CO₂.

Le rapport recense 86 cas ciblant des leaders de la production d’énergie non renouvelable comme TotalEnergies, Shell ou ExxonMobil. Plus de la moitié de ces affaires sont américaines (58 %), et près d’un quart sont européennes (24 %). Ces procès portent principalement sur trois axes : l’indemnisation des dommages causés par le réchauffement climatique, des accusations de greenwashing et des obligations de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Les procès pour publicité mensongère sont particulièrement prometteurs : parmi les neuf affaires recensées, huit ont mené à la condamnation des entreprises accusées ou au moins à leur rétractation.

Ces procès représentent une pierre angulaire de la justice climatique. Ils permettent de pousser les autorités à instaurer des politiques climatiques plus ambitieuses et de demander des comptes aux acteurs les plus responsables, comme les entreprises spécialisées dans les énergies fossiles. Les procès climatiques sont toutefois loin de se limiter aux affaires impliquant les entreprises pétrolières. De nombreux Etats sont directement actionnés, tout comme des acteurs de la finance qui utilisent, eux aussi, le greenwashing pour promouvoir leurs produits. Certaines affaires, comme celle remportée par les Aînées pour le Climat contre la Suisse à la Cour européenne des droits de l’Homme, marquent déjà des victoires importantes dans ce combat.

Le communiqué de presse de Big Oil Change peut être consulté ici ; leur rapport ici.

Alexandra Bonnafy