En 2022, dans le contexte de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le Conseil fédéral a pris la décision de préparer le pays face aux risques futurs de pénuries d’électricité. A ce titre, il a conclu avec l’entreprise GE Gas Power un accord portant sur la construction d’une centrale dite « de réserve », faite pour injecter de l’électricité dans le réseau grâce à l’utilisation d’énergies fossiles telles que le diesel et le gaz. C’est ainsi que la centrale de réserve de Birr (Argovie) a été prête à l’exploitation dès le 27 mars 2023.
Cette stratégie, et particulièrement la volonté de recourir aux énergies fossiles, a suscité l’ire de la Grève du climat. La RTS rapportait à ce titre en 2023 que le mouvement écologiste réclamait l’instauration d’un moratoire sur la construction et l’exploitation de centrales à énergie fossile. En parallèle de son effort politique, la Grève du climat a appuyé les démarches juridiques d’une riveraine qui s’opposait à l’exploitation de la centrale de réserve de Birr. Après s’être fait débouter en première instance, la riveraine a porté la cause au Tribunal administratif fédéral (TAF). Concrètement, elle contestait l’autorisation octroyée par le Conseil fédéral au DETEC d’exploiter ladite centrale.
Le TAF s’est préalablement penché sur le fondement juridique de cette autorisation. Depuis 2016, la Loi sur l’approvisionnement économique du pays (LAP), qui a pour but de garantir l’approvisionnement du pays lors de pénuries graves, est en vigueur. Cette loi prévoit notamment à ses art. 31 et 32 la possibilité pour le Conseil fédéral de prendre des mesures d’intervention temporaires en cas de pénurie grave déclarée ou imminente, afin de garantir l’approvisionnement en biens et services vitaux. C’est sur cette disposition que le Conseil fédéral s’est basé en 2022 pour édicter une ordonnance relative à l’exploitation de centrales de réserve, entrée en vigueur aussitôt. Ladite ordonnance prévoyait une procédure d’autorisation déléguée par le Conseil fédéral au DETEC pour l’exploitation de centrales de réserve. Problème selon la riveraine : la situation de pénurie grave qui conditionne la compétence du Conseil fédéral d’édicter une telle ordonnance faisait défaut, même pendant l’hiver 2022-2023. Selon elle, la Suisse ne souffrait d’aucune menace imminente de pénurie, et la mesure décidée par le Conseil fédéral était disproportionnée.
La recourante a été suivie par le TAF, qui a considéré que le DETEC n’avait pas réussi à prouver que la Suisse se trouvait effectivement dans une situation de pénurie grave. Il a notamment reproché au Conseil fédéral d’avoir omis d’examiner si d’autres mesures plus respectueuses des intérêts en cause étaient envisageables. Ainsi, selon les juges, le Conseil fédéral a violé le principe cardinal de la proportionnalité.
Léna Bühler, autrice du recours a relevé le caractère historique de ce jugement, qui témoigne de l’importance des études d’impact sur l’environnement dans la préparation de tels projets. Le mouvement de la Grève du climat appelle également à la poursuite de la lutte contre les infrastructures fossiles.
L’arrêt du TAF est disponible ici, son communiqué de presse ici, et le communiqué de la Grève pour le climat ici.