Le Tribunal fédéral (TF) a accueilli, les 11 et 12 septembre 2022, la « rencontre des Six » des cours constitutionnelles germanophones, de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH). Dans son communiqué, le TF précise que les participant·e·s ont notamment discuté du rôle de la justice en matière de protection du climat.

De tels échanges sont particulièrement souhaitables alors que la position des juges de Mon-Repos diffère de celle de la Cour constitutionnelle allemande et de la CourEDH sur plusieurs questions essentielles en matière de protection du climat.

Dans deux arrêts récents (ATF 147 IV 297 et 146 I 145), le TF a ainsi jugé que les catastrophes naturelles causées par le réchauffement climatique ne constituent pas un danger imminent au sens de l’art. 17 CP, respectivement que les atteintes subies du fait du réchauffement climatique ne sont pas actuelles au sens de l’art. 25a PA. A l’inverse, les juges de la Cour constitutionnelle allemande, s’appuyant notamment sur l’impératif intertemporel des liberté fondamentales, ont admis que la réalité climatique suppose que les incidences des actions entreprises aujourd’hui ne se manifesteront que dans le futur (arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 24 mars 2021, BvR 2656/18, BvR 96/20, BvR 78/20, BvR 288/20, BvR 96/20, BvR 78/20).

La jurisprudence du TF diffère également de celle de la CourEDH quant à l’interprétation des art. 10 et 11 CEDH, qui protègent les libertés d’expression et de réunion. Dans l’ATF 147 IV 297, le TF a ainsi refusé d’analyser les conditions d’application de ces normes au motif que l’action des activistes du climat s’était déroulée dans un espace privé. A l’inverse, la CourEDH a rappelé à de nombreuses reprises que les libertés d’expression et de réunion doivent aussi être garanties dans les espaces privés (p.ex. Baldassi et autres c/ France, Mariya Alekhina et autres c. Russie).

Des requêtes ont été introduites devant la CourEDH en relation avec chacun de ces deux arrêts et la position du TF pourrait donc être amenée à évoluer sur ces questions. Parallèlement, l’on peut également espérer que des échanges de vues informels tels que ceux intervenus lors de la « rencontre des Six » participent d’une telle évolution de la jurisprudence de notre Haute Cour.