Le procès civil devant le tribunal de Rome opposant Eni, société d’hydrocarbures, aux deux ONG Greenpeace Italie et ReCommon, ainsi qu’à 12 citoyens italiens, a commencé le 16 février dernier. Les plaignants accusent Eni de mener des politiques en violation flagrante avec l’accord de Paris et demande une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
La première audience a eu lieu le 16 février 2024. A cette occasion, les parties ont procédé à un échange de documents, notamment relatifs aux demandes d’expertises. Le choix des experts est révélateur de la stratégie employée par chacune des parties.
D’un côté, les plaignants ont demandé l’audition de divers experts, notamment en matière de climat, d’énergie et d’anxiété climatique. Ils entendent ainsi relier au mieux les effets du changement climatique à ses causes, ce qui est nécessaire pour établir la responsabilité objective d’Eni.
De l’autre côté, les rapports d’Eni ont été rédigés par Stefano Consonni, un expert en énergie réputé conservateur, et Carlo Stagnaro, un économiste ultra libéral anciennement reconnu comme un négationniste climatique. Eni a pris le parti de ne pas demander l’audition d’experts en climat, mais de focaliser sa défense sur des considérations économiques et énergétiques.
Greenpeace et ReCommon ont publié un rapport dénonçant le manque d’indépendance des experts d’Eni. Il ressort du rapport en question que M. Stagnaro a pendant longtemps nié le changement climatique[1] et que M. Consonni a, préalablement, déjà collaboré en tant que consultant avec des entreprises d’énergies fossiles telles qu’ExxonMobil. Le même rapport accuse également Eni d’avoir connaissance des effets de leur activité sur le climat depuis les années 1970.
En réponse, Eni a publié un article sur son site internet intitulé « Eni e la Falsa Causa » se plaignant du fait que les procès climatiques auraient pour but de diaboliser les grandes entreprises.
La suite de la procédure se trouve entre les mains du juge, qui doit prochainement décider si les documents qui ont été présentés sont suffisants pour passer directement à l’audience finale. Dans le cas contraire, le juge pourrait ouvrir une enquête préliminaire afin de collecter plus d’informations et écouter le témoignage, proposé par les plaignants, de 12 citoyens italiens affectés par la crise climatique.
Sources et articles qui détaillent le sujet :
https://www.open.online/2024/02/16/processo-eni-greenpeace-clima-prima-udienza
https://www.qualenergia.it/articoli/clima-iniziato-processo-contro-eni-denuncia-greenpeace-recommon
[1] Notamment par le biais de l’Institut Bruno Leoni, cofondé et dirigé par lui-même, ayant collaboré avec des entités américaines négationnistes telles que le Heartland Institute qui a notamment travaillé pour le groupe Philip Morris soutenant l’absence de causalité entre le tabagisme et le cancer du poumon.